A la croisée des regards - Festival international de films de Fribourg (FIFF) 2012

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A la croisée des regards - Festival international de films de Fribourg (FIFF) 2012

Anne-Sylvie Mariéthoz
26 mars 2012
Jusqu’au 31 mars, le FiFF ouvre une fenêtre sur les films du monde et permet au public de voir quelques perles oubliées par les circuits de distribution. Des films importants qui nous confrontent aux réalités vécues dans différentes parties du globe, mais questionnent aussi nos préjugés et notre façon de consommer les images.
(La photo est tirée du film Le dernier maquis)

Depuis sa création il y a trente ans, le FIFF a perdu sa connotation « sud » et « tiermondiste », pour s’intituler simplement « Festival international de films de Fribourg ». « On ne sait plus très bien ce que recouvre cette notion de sud », relève le nouveau directeur du FIFF, Thierry Jobin.


« La Chine fait-elle encore partie des pays du sud? » A l’époque où l’Europe s’enfonce dans la crise de la dette et où la Chine prête de l’argent aux Etats-Unis, la question mérite d’être posée. Comme pour mieux souligner ce brouillage des repères, l’affiche du Festival 2012 présente une rose des vents réinterprétée, où les symboles des points cardinaux s’enchevêtrent et s’inversent.

« Le monde du cinéma est aussi moins cloisonné qu’à l’époque où le festival a été créé », souligne encore Thierry Jobin, relevant qu’une grande partie des œuvres présentées au FIFF sont des coproductions internationales. Et si rien n’était fait pour que les œuvres circulent d’un continent à l’autre, ce n’est plus le cas aujourd’hui, « notamment grâce à l’important travail accompli par les fondateurs du FIFF et par des institutions comme Trigon film ». La compréhension entre les différentes cultures a-t-elle progressé pour autant? Rien n’est moins sûr…

Représentation de l'islam dans des films occidentaux

« Partant du constat que les repères et les limites ne sont plus vraiment les mêmes, j’ai voulu créer des sections de films permettant d’éclairer les relations entre l’Occident et les divers continents », poursuit Thierry Jobin. La section « décryptage », que le festival inaugure cette année, est dédiée à la représentation de l’islam dans les films occidentaux. Un décryptage plus que jamais nécessaire, selon le directeur du FIFF, car ces œuvres ne sont pas montrées sur les écrans helvétiques, les distributeurs jugeant leur sortie trop risquée sur le plan économique.

« Or je pense qu’une société qui ne voit quasiment jamais de films sur l’islam, mais qui le connaît seulement à travers des faits divers et des comptes-rendus alarmistes, finit par développer certaines peurs, relève Thierry Jobin. Alors qu’il existe des comédies sur l’islam et des films qui abordent cette religion frontalement, sans toujours la traiter de manière grave ou problématique. »

Dernier maquis, de l’Algérien Rabah Ameur-Zaïmeche, est précisément l’une de ces œuvres, qui traite de nos incompréhensions face à l’islam avec une certaine dose d’humour. La relation entre islam, migration et monde du travail est au cœur de ce film, utilisant une approche résolument drôle et décalée. Sur le même thème mais dans un registre nettement plus dramatique, La Désintégration, de Philippe Faucon, pose un regard acéré sur le chômage des jeunes, notamment d’origine étrangère, et sur l’échec de leur intégration, « un film d’autant plus important que ce problème ne touche pas que nos voisins », commente Thierry Jobin.

Retour aux faits historiques

Autre film jugé « essentiel », Ici on noie les algériens, documentaire de Yasmina Adi, évoque les manifestations de 1961 à Paris. Pour rappel, cet épisode fait référence aux travailleurs algériens qui ont bravé le couvre-feu imposé par les autorités pour aller manifester dans les rues et qui se sont retrouvés dans la Seine ou parqués dans des stades, avec femmes et enfants. « Alors qu’on parle beaucoup de communautarisme et que les jeunes se l’entendent constamment rappeler par le rap et par le hiphop, il n’est certainement pas inutile de se souvenir de certains faits historiques », note le directeur du FIFF.

Enfin Hadewijch, de Bruno Dumont, raconte l’histoire d’une jeune femme animée d’une passion absolue pour Dieu qui est poussée au désespoir, faute de pouvoir vivre sa foi. Un film qui nous remue et nous renvoie certaines questions dérangeantes sur notre société: qui console nos marginaux? Qui leur donne de l’espoir? Pourquoi sommes-nous devenus si distants vis-à-vis des questions religieuses? Comme le relève le directeur du FIFF, « contrairement au reste du monde, notre vieux continent offre bien peu de réceptacles aux croyances. Or croyants ou non, la spiritualité concerne pourtant chacun d’entre nous ».

Débats

  • Décryptage: L'image de l'Islam en Occident
  • Modération: Eric Hoesli

  • Participants: Rabah Ameur-Zaïmeche, Prof. Dr. Mariano Delgado, Yasmina Adi et Saïda Keller-Messahli
  • Jeudi 29 mars 2012, 19h45, Cap'Ciné 5 
après la projection du film La Désintégration

  • Autres sections parallèles à la compétition internationale: Courts-métrages, Cinéma de genre (cette année: le western dans les cinéma du monde) Nouveau territoire (consacrée au Bangladesh, avec un panorama varié comprenant une majorité de films jamais présentés en Occident)

  • Le programme du FiFF 2012