Fribourg : l'espoir revisité par les artistes

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Fribourg : l'espoir revisité par les artistes

Anne-Sylvie Mariéthoz
2 juillet 2011
Le vent du large secoue les vieux murs de la ville de Fribourg. Le Festival Belluard Bollwerk international (BBI) a lancé son escouade d'artistes émergents à l'assaut des idées reçues. Cette année, c'est l'espoir, version laïque, qui est réinvesti
.



"Regardez un peu autour de vous, le mot espoir est partout: dans le discours politique, dans la publicité, dans l'argumentation économique…", une bonne raison selon Sally de Kunst, directrice du BBI, pour inciter les artistes à revisiter les rêves que ce mot suscite en eux comme dans la tête du public. Fil rouge

Le Festival, qui consacre au moins un tiers de son budget à la production, lance chaque année un appel à la création. Or pour cette édition 2011, pas moins de 545 dossiers de projets lui sont parvenus. Preuve s'il en est que le thème est porteur. Mais plutôt que de thème, Sally de Kunst préfère parler de fil rouge, de point de départ à partir duquel les artistes et performers ont semé leurs questions aux quatre coins de la ville. Alors quid de l'espoir, ce mot surinvesti, surmédiatisé et parfois galvaudé?

Premier constat, première surprise: l'espoir colonise l'espace publique. S'il niche dans le cœur de chaque individu, l'espoir est aussi affaire d'écoute et de rencontre. C'est ce qui ressort des quatre projets retenus par le BBI et proposés au public dans différents lieux de Fribourg.

Un ange High-tech

Ce parti pris a de quoi étonner à l'heure où l'on ne parle que d'individualisme et de replis. Or, à en croire ces artistes, c'est en interpelant les passants et en dialoguant avec eux que jaillit l'étincelle d'inspiration et d'espoir. Ainsi Alexis O'Hara, qui tel un ange High-tech, offre son épaule à ceux qui le souhaitent pour confier leurs espoirs et leur craintes. Equipée de tout un arsenal sonore, elle fait office d'"éponge à souci" qui absorbe les peines, pour mieux les transformer à des fins créatrices.

Dans un registre voisin, les bardes du Service ambulant de premiers secours musicaux, arpentent la ville en chantant les chansons de leur crû, dans une dégaine colorée largement empruntée au folklore mexicain. Ce faisant, ils tendent aussi l’oreille aux revendications et aux espoirs secrets des habitants, pour nourrir en retour le texte de leurs chansons.

De ces rencontres fugaces, naissent quelques bulles d’optimisme, mais aussi toutes sortes d’expériences inattendues. "Le festival se met au diapason de la ville. Pour réaliser leurs performances, les artistes doivent prendre la température du lieu, s'informer sur les possibilités, contacter des autorités ou des partenaires. Et ce sont notamment ces différentes interactions qui font la richesse du festival", résume Sally de Kunst.

Eloge de la lenteur

Mais loin de professer un optimisme béat ou de se perdre en propos idéalistes et éthérés, ces artistes rappellent volontiers certaines réalités élémentaires. Ainsi le "Digging Project" de Kosi Hidama et Gosie Vervloessem qui inaugure une archéologie d'un genre nouveau. Le duo d'artistes invite ses visiteurs à creuser un trou en direction du centre de la terre et à visualiser de manière radicale ce que la quête d'espoir peut véritablement signifier.

L'espoir est le moteur de toutes sortes d'histoires séduisantes, mais qui ne servent bien souvent qu'à nous égarer, à le chercher partout sauf dans la bonne direction, "c'est-à-dire en nous-mêmes", affirme Kosi Hidama. A travers le rythme lent imposé par cette activité physique, le spectateur est amené à se recentrer et à en redécouvrir le sens. Mais ce n'est pas tout. Car ce trou se révèle aussi un puit à histoires, qui évoque pour chaque intervenant un souvenir particulier, un moment vécu. Ainsi la "cabane de chantier" des artistes s'enrichit-elle chaque jour et se transforme en kaléidoscope de visages et de récits.

Le projet OMOMOTO enfin, exhume aussi à sa manière les histoires des habitants et leurs désideratas. Revêtu de son costume de super-héros, Martin Schick les invite chaque jour à 19:07, à exprimer leurs espoirs les plus fous et à les porter sur la place publique. Une manière de remettre en cause nos existences feutrées et compartimentées?