La performance, une vertu biblique?

David sort vainqueur contre Goliath. / © iStock
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David sort vainqueur contre Goliath.
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La performance, une vertu biblique?

Préparation
Comment la Bible envisage-t-elle la réussite et l’exploit? De David à Jésus, les Ecritures sont emplies de modèles difficiles à égaler et pouvant inspirer une idée de dépassement. Avec certaines nuances.

Noé navigua durant les 40 jours et 40 nuits que dura le déluge; Moïse erra 40 ans dans le désert; Jésus porta sa croix dans la montée au Golgotha… De l’Ancien au Nouveau Testament, plusieurs figures ont marqué le christianisme de leurs prouesses. Tirée des codes gréco-romains, l’illustration sportive en tant que telle se retrouve dans les écrits de Paul, et par exemple dans la Première lettre aux Corinthiens. Paul y mentionne l’ascèse, la préparation mentale et l’alimentation auxquelles se soumet l’athlète pour atteindre la victoire. Une image qui évoque les objectifs, les beautés, mais aussi les difficultés de la foi chrétienne et les vertus à cultiver pour s’unir à Dieu. La comparaison apparaît presque de la même manière dans 2 Timothée, avec la métaphore du soldat, de l’athlète et du paysan qui souffrent, à l’instar du chrétien supportant tout pour obtenir le salut en Christ.

«Pourtant, la Bible se méfie des performances», souligne le théologien Luc Bulundwe, spécialisé dans les littératures pauliniennes et la littérature chrétienne antique. Un bon exemple est celui de David, antihéros biblique qui vainquit Goliath. «Ici, la performance est celle de Dieu», relève le théologien. Cette métaphore est reprise par Paul, sous la forme d’une glorification de la contre-performance. «Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort» (2 Corinthiens 12: 10). «C’est dans la faiblesse, la souffrance et la mort que se trouve un certain honneur, à la suite du Christ mort sur la croix. C’est le paradoxe de la victoire dans la défaite. Finalement, un échec humain peut révéler la victoire de Dieu», note le théologien.

Si au Moyen-Age le catholicisme a exalté l’image d’une Eglise puissante, grâce à la construction des cathédrales, le protestantisme, lui, a montré davantage de pudeur. Pourtant, dans L’Ethique protestante et l’Esprit du capitalisme, Max Weber a montré comment le protestantisme, en particulier dans son courant puritain, a pu favoriser une certaine idée de «performance» professionnelle.

De nos jours, dans des milieux évangéliques et pentecôtistes américains, des passages bibliques sont mis en évidence par des athlètes, comme ces joueurs de football américain qui portent des versets bibliques inscrits sur leur visage.

Dans certaines communautés, les récits de guérison sont aussi vus comme un signe d’un Dieu tout-puissant, explique Luc Bulundwe. Il conviendrait donc de performer, comme lui. De plus, l’évangile dit «de la prospérité» voit même la richesse comme le signe d’une bénédiction et la pauvreté comme une malédiction ou une punition divine… A l’inverse, dans d’autres communautés, ce sont les personnes blessées ou malades qui sont présentées comme des témoins du Christ, qui a souffert comme elles. Finalement, tout dépend de l’interprétation et surtout du choix des textes bibliques, souligne le théologien.

Quoi qu’il en soit, si dans le sport le corps est aujourd’hui soumis à l’ascèse et à la performance, l’influence ne provient pas de la Bible. Ces notions sont déjà liées à la pratique sportive dans la Grèce antique, où des rites religieux étaient d’ailleurs célébrés lors des jeux. Et aujourd’hui, l’ascèse et le dépassement de soi sont également associés à l’islam, au bouddhisme et à l’hindouisme, notamment à travers la pratique du yoga ou la redécouverte du jeûne.