«Sola gratia», slogan ou réalité?
Le réformateur reprend à son compte une certitude martelée par l’apôtre Paul: «C’est par la grâce que vous êtes sauvés. Et cela ne vient pas de vous…» (Ephésiens 2 : 8). En clair: ce ne sont pas nos actes qui nous rendent justes, mais Dieu nous donne cette justification sans condition, gratuitement.
«Sauvés par la grâce», donc. Mais cette devise est-elle plus qu’un simple slogan? «Oui, c’est un vrai retournement des valeurs», tonne André Birmelé, auteur de L’Horizon de la grâce (Olivétan/Cerf 2013). Le professeur émérite à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg ajoute: «Cela amène à vivre selon une logique radicalement nouvelle: je ne suis pas ce que je fais, mais je fais ce que je suis.»
Au prix fort
Car, si Dieu n’est pas ce juge qui comptabilise mes fautes (comme le laissait croire l’Eglise médiévale), mais qu’il m’accueille inconditionnellement, cela change aussi mon image de moi: je deviens libre d’agir de manière adulte, en m’ouvrant aux autres. Pour les protestants, la «grâce seule» n’est pas un oreiller de paresse, mais un appel qui engage «tous les domaines de la vie», précise André Birmelé. C’est une «grâce qui coûte», selon la formule du luthérien Dietrich Bonhoeffer. La grâce ne confine pas dans un arrière-monde spirituel: elle nous pousse à agir de façon responsable.
Mais, si c’est cela être protestant, pourquoi ces relents de moralisme dans certains milieux de la foi? «Car nous restons humains: il nous est plus simple de raconter que l’histoire avec Dieu, c’est une question de comptabilité», soupire le professeur strasbourgeois. Les protestants ont encore du chemin pour vivre à la hauteur de leurs fières devises!