«L’alimentation n’est plus une variable d’ajustement»

Alain Bolle, directeur du Centre social protestant (CSP) Genève / © Alain Grosclaude
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Alain Bolle, directeur du Centre social protestant (CSP) Genève
© Alain Grosclaude

«L’alimentation n’est plus une variable d’ajustement»

Précarité
Alain Bolle, directeur du Centre social protestant (CSP) Genève, évoque une précarité grandissante qui empêche notamment certaines personnes de se soigner et conduit à la dégradation de leur état de santé.

Quelle est la situation sociale actuelle?

Nous constatons, sur le terrain, une hausse de la précarité qui se traduit par une situation sociale dégradée. Des personnes endettées rencontrent des difficultés à se nourrir, alors elles doivent se contenter d’un repas par jour. L’alimentation n’est plus une variable d’ajustement pour elles. Les chiffres des Colis du Cœur ne redescendent pas; ceux de Partage sont alarmants. Le nombre de personnes fréquentant le Vestiaire social est en hausse depuis plusieurs années: ces personnes n’ont pas d’argent pour se vêtir dignement.

Pour quelles raisons la situation s’est-elle péjorée?

Les facteurs sont multiples. Le prix du panier de la ménagère a augmenté, tout comme les charges liées à l’énergie et les primes d’assurance maladie. Dans un certain nombre de secteurs économiques, le salaire minimum ne suffit pas pour vivre décemment, surtout à Genève, où la part dévolue au paiement du loyer est problématique et l’accès à des logements subventionnés difficile. Certains propriétaires ont également répercuté la hausse des taux d’intérêt…

Des mesures ont-elles été prises pour inverser cette tendance?

L’Etat a revu à la hausse les subsides d’assurance maladie, mais cela n’a pas totalement compensé l’augmentation des primes. L’accès aux informations sociales continue à être problématique. Cette question est au cœur de nos préoccupations. Le système doit être simplifié, car il met des personnes en situation de précarité toujours plus grave. Elles empruntent, accumulant les dettes et creusant un trou de plus en plus catastrophique.

Quelles sont les perspectives?

Le CSP est engagé dans la votation populaire du 9 juin prochain pour des primes d’assurance maladie plafonnées à 10% du revenu. Cet outil permettrait aux plus fragiles d’avoir une part de leur revenu mieux protégée qu’elle ne l’est aujourd’hui avec les subsides. Ce serait une réponse importante dans la lutte contre la précarité. Mais il ne faut pas oublier que du temps est nécessaire pour qu’une initiative populaire soit mise en œuvre. Certaines ont mis dix ans pour déployer leurs effets… Actuellement, un certain nombre de personnes choisissent la franchise la plus élevée et ne vont pas chez le médecin. Cela donne des situations de santé qui se dégradent, notamment au niveau des dents.

Quels thèmes aborderez-vous lors de votre conférence du 13 juin prochain à l’Auditorium Barbier-Mueller?

J’ai envie de mettre en relief la manière dont le CSP travaille depuis 70 ans à la visibilité des invisibles. La lutte pour plus de justice sociale est inscrite dans nos statuts. Ce fondamental continue à l’être. A force de plaidoyers, nous sommes régulièrement parvenus à nous glisser dans des interstices pour faire bouger le cadre. La seconde manière de faire avancer les choses a été de développer à l’interne des prestations répondant à des besoins puis de les autonomiser. C’est réellement satisfaisant lorsque le travail réalisé – après avoir identifié une problématique et l’avoir mise à l’agenda – permet des changements.

Côté pratique

Jeudi 13 juin, 19h30-21h. Auditorium Barbier-Mueller, Maison de paroisse de Saint-Pierre, place du Bourg-de-Four 24.

Conférence «Protester, proposer: du plaidoyer à l’action sociale», suivie d’un apéritif.

Ouvert à toutes et à tous.