En Suisse, il est honteux d’avoir des dettes

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En Suisse, il est honteux d’avoir des dettes

Estime de soi
Rêver d’être riche: oui pour payer ses dettes et retrouver la normalité et la tranquillité. C’est le rêve des personnes surendettées. La culpabilité est forte pour celui ou celle qui ne parvient pas à payer ses factures.

«Les gens qui font appel à nos services font face à de forts sentiments de honte», explique Isabelle Bonjour, assistante sociale au Centre social protestant – Vaud (CSP Vaud). L’association propose différents types de consultations spécialisées dans les domaines juridique, couple et famille, jeunes en formation, personnes immigrées ainsi que sur le surendettement. «Quand quelqu’un entre dans mon bureau, je commence par le ou la féliciter. Je sais qu’il faut du courage pour oser demander de l’aide. En Suisse, notre culture nous impose d’être de bons gestionnaires, de ne pas avoir de dettes. Quand on se retrouve dans une situation d’endettement, c’est très mal vu socialement, c’est très stigmatisant. La plupart des gens n’osent pas en parler, car ils ont honte», relate la spécialiste.

Combattre les clichés

L’idée que les personnes surendettées vivent au-dessus de leurs moyens est un cliché pour l’assistante sociale, qui dévoile une tout autre réalité. Le plus souvent, ce qui fait basculer un ménage c’est un accident de la vie: un divorce, une maladie, une aide apportée à un proche dans une situation difficile. «Même des personnes avec des revenus confortables peuvent tomber dans le surendettement», rappelle Isabelle Bonjour.

Autre cliché qu’elle dénonce, le fait que les personnes de la classe moyenne inférieure ne sauraient pas gérer leur budget alors que ce sont des experts en économies. «Je me demande souvent comment ils font pour boucler leur budget.»

Tout le monde n’a pas l’argent de côté pour faire face à une facture imprévue. De fait, les principaux créanciers des personnes endettées en Suisse sont les impôts et les assurances maladie.

Et l’engrenage se met vite en place. Rembourser une dette devient une dépense de plus dans un budget déjà serré. «Les personnes ont alors l’impression d’être tombées dans un traquenard. De ne rien pouvoir faire, d’être face à un mur. Certaines baissent les bras. La majorité des personnes qui viennent nous voir font déjà l’objet de poursuites», relève l’assistante sociale. «Nous leur expliquons qu’effectivement elles font face à des lois ressenties comme des murs qui semblent infranchissables. Il faut souvent du temps pour stabiliser une situation et retrouver un équilibre.» Cela peut prendre des années: la dette moyenne des personnes venant au CSP Vaud est de 65'000 francs.

Le fait que les impôts ne sont pas compris dans le minimum vital de l’Office des poursuites oblige à de nouvelles créances. «C’est un facteur aggravant et décourageant pour les personnes surendettées. Heureusement, le parlement planche actuellement sur cette question. Un signe encourageant!»

Un accident de la vie peut tout faire basculer

Juste souffler un peu

La plupart des personnes qui viennent nous voir ne se projettent pas dans l’univers luxueux qu’elles peuvent voir dans les vitrines. Cela leur semble inaccessible, faire partie d’un autre monde. Ils et elles ne rêvent que de normalité: pouvoir faire une pause dans leur combat contre les dettes. Retrouver de la tranquillité…» Un restaurant pour un anniversaire, un jouet pour un enfant. Des choses qui relèvent d’un comportement normal.

Mettre en place des budgets, faire appel aux aides existantes, négocier des dettes ou apprendre quelques astuces pour petit à petit régler des créanciers sont quelques-uns des outils des équipes des CSP romands. Des démarches souvent longues pour des résultats parfois difficiles à obtenir: les services de contentieux sont de moins en moins ouverts à la négociation, même dans les secteurs publics et parapublics. Mais ce qu’apportent dans tous les cas les CSP, c’est une écoute sans jugement, un peu d’humanité et des compétences pour faire face à ces situations difficiles.

En chiffres

En 2020, 42,9% de la population vivait dans un ménage avec au moins une dette, selon l’OFSP. 14,9% de la population vivait dans un ménage avec au moins un arriéré de paiement, selon la même enquête, ce type de dette indiquant «plus particulièrement une situation financière précaire du ménage.»

Aider ou être aidé

Pour plus d’information, pour demander de l’aide ou pour soutenir le travail des CSP: www.csp.ch.