Des projets qui émanent du terrain
En quoi le développement intégral se différencie-t-il des politiques classiques de développement?
Si l’on regarde tous les objectifs de développement élaborés depuis la naissance de ce terme dans les années 1940, on se rend compte qu’ils ne sont jamais atteints (zéro pauvreté, souveraineté alimentaire, etc.) Pour nous, cela demande une vision plus holistique, qui considère l’humain comme corps, âme et esprit, qui intègre les questions matérielles et immatérielles. Le développement intégral considère ensemble les enjeux sociaux, économiques, culturels, psychologiques, politiques et spirituels dans les communautés.
Un exemple?
Une agriculture conventionnelle permet de produire davantage, mais ne prend pas en compte les dommages en matière de santé sur l’humain, sur les ressources environnementales, contrairement à l’agroécologie! Si l’on construit une école, mais que cela implique de détruire des arbres, on crée un dommage environnemental. Le développement holistique implique de prendre en compte et résoudre ces questions.
Ne risque-t-on pas, avec cette méthode, de véhiculer à nouveau une forme d’influence externe, d’où qu’elle vienne?
Prendre en compte la dimension culturelle, c’est au contraire ne pas imposer une vision sans considérer les valeurs intrinsèques de la communauté. C’est quelque chose que j’expliquerai au public suisse lors de mon passage. Le Secaar pose vraiment les questions de l’impact de ses projets sur les communautés. Il refuse d’imposer toute une série de choses, notamment la foi. Nous sommes une organisation chrétienne, c’est vrai, mais si une organisation non chrétienne demande nos services, nous répondons sans faire état de nos convictions.
Quels projets ont ainsi été portés?
Au Togo, où je me trouve, la question de la transhumance pose problème chaque année. Des affrontements ont lieu entre des éleveurs nomades et d’autres communautés. En période de sécheresse, les éleveurs nomades déplacent leurs troupeaux. Leurs animaux mangent tout sur leur passage, ce qui crée des tensions et des dommages dans les communautés traversées. Pour le Secaar, la transhumance est un enjeu culturel politique. Mais nous développons aussi des jardins scolaires dans certaines communautés, la question de la transhumance s’est donc posée. Nous avons travaillé avec les communautés concernées pour négocier d’autres passages pour les bœufs, évitant les jardins. L’outil utilisé, l’évaluation participative, a été élaboré avec nos partenaires (dont DM et l’EPER, NDLR) et a fait ses preuves depuis une décennie.
Comment fonctionne-t-il?
On détermine un problème et l’on essaie de trouver des solutions, des actions à mettre en place, puis on accompagne les personnes dans leur installation. Cela demande plus de temps qu’une gestion de projet classique, mais, à la fin, aucun projet n’est imposé ou préconçu: toutes les initiatives réalisées émanent du terrain. Les communautés peuvent ainsi mieux se les approprier. Ces initiatives génèrent plus de confiance et permettent, sans beaucoup de financement, de transformer des vies.
En savoir plus
Ghislain Alofa est chargé de communication au Secaar. Il a suivi une formation en communication et marketing à l’Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lomé ainsi qu’une formation en journalisme et communication auprès de l’organisation non gouvernementale de développement Le Cercle d’or.
Informations sur: www.dmr.ch/projets/secaar