Débloquer l’accès au sport

Si beaucoup de clubs sportifs suisses sont orientés vers la compétition, les besoins des migrants en matière sportive tournent d’abord autour de la santé et de la possibilité de tisser des liens. / ©EPER — Julien Laufer
i
Si beaucoup de clubs sportifs suisses sont orientés vers la compétition, les besoins des migrants en matière sportive tournent d’abord autour de la santé et de la possibilité de tisser des liens.
©EPER — Julien Laufer

Débloquer l’accès au sport

Nager
L’EPER a lancé un programme d’accès à l’activité physique pour les migrants qui rencontre un succès sans précédent. Une réponse à un besoin essentiel.

«Petite, j’avais peur de l’eau. Dans la province de Batman, d’où je viens, j’ai le souvenir de personnes mortes par noyade», raconte Yildiz Adlig, 40 ans, dans un français encore hésitant. Cette réfugiée kurde, habitante de Clarens, depuis trois ans en Suisse, souhaitait reprendre un sport. «C’était en priorité une question de santé, puis de sécurité. Et puis aussi un moyen de socialiser, de rencontrer des gens, me faire des amis.» Elle a choisi la natation, mais les tarifs des cours d’initiation représentaient un investissement trop important. Grâce à l’EPER, elle a commencé cette année des cours semi-privés, et se sent désormais beaucoup plus en confiance dans l’eau. Yildiz a même franchi une sacrée étape en osant se baigner dans le Léman: «Je me sens à l’aise et en sécurité, sauf lorsque je n’ai plus pied, mais j’espère améliorer ça!»

C’est grâce au programme Diversi’Team, de l’Entraide protestante suisse (EPER), que les cours de Yildiz ont pu être pris en charge. Ce programme d’intégration des migrants par le sport rencontre un franc succès (voir encadré), et pas uniquement par enjeu financier, assure sa responsable, Line Zolliker. Dans certains cantons, un soutien financier existe en effet pour pratiquer une activité sportive.

Besoin de contacts

Il y a d’abord un réel besoin de rencontres de la part des primo-arrivants qui «ont peu de contacts avec des personnes en Suisse depuis plus longtemps et vice versa.» Il y a ensuite l’envie de reprendre une activité «pour sa santé physique et mentale», un enjeu fondamental lorsqu’on vit une migration (voir notre dossier de mai 2024). Enfin, il y a un défi en matière d’accès à l’information. «Notre apport principal, c’est la mise en lien! Parfois, trouver l’information pour un sport spécifique et surtout savoir dans quelle équipe s’inscrire reste assez obscur. On a régulièrement de la peine à obtenir des informations nous-mêmes ou à atteindre la bonne personne», explique Line Zolliker. Avec Diversi’Team, l’EPER se charge de l’inscription, de la cotisation, de la fourniture du matériel si besoin et aussi du suivi avec le club.

On craignait un peu que des ressortissants d’un pays restent entre eux, mais ce n’est pas le cas.
Miguel Lemos, fondateur du club de boxe Fight Factory à Lausanne

Du côté des clubs, certaines réticences initiales ont rapidement été surmontées. «On craignait un peu que des ressortissants d’un pays restent entre eux, créent des sous-groupes, mais ce n’est absolument pas le cas», explique Miguel Lemos, fondateur du club de boxe Fight Factory à Lausanne. «Au contraire, les personnes arrivées s’intègrent super bien, ont un comportement super respectueux… et leur niveau est excellent, il y a même quelques pépites», se réjouit-il. Mais il souligne aussi le manque de femmes. «La mixité est un réel défi: nous aimerions atteindre la parité dans le programme l’année prochaine», pointe Line Zolliker.

Diversi’Team en chiffres

  • 78 personnes bénéficient actuellement du programme, dont 18 pour la seconde année.
  • 85 personnes sont sur liste d’attente.
  • 16 sports pratiqués.
  • 43% de femmes.
  • Natation, football et volley-ball sont les sports les plus demandés

Source: EPER 2024