Les vêtements aux temps de la Bible

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Les vêtements aux temps de la Bible

Anne-Sylvie Mariéthoz
22 mars 2012
Notre choix vestimentaire est beaucoup plus étendu qu'aux temps de la Bible, mais la fonction de nos habits a-t-elle vraiment changé? Ils nous protègent comme une seconde peau et nous positionnent aussi socialement. Il en est ainsi depuis toujours et c'est l'un des aspects mis en évidence par une exposition à Fribourg. Visite en compagnie de l'administratrice du Musée Bible + Orient, Aline von Imhoff.
(Légende photo: Adam et Eve de Lucas Cranach)



Sitôt après avoir goûté au fruit défendu, Adam et Eve réalisent soudain leur nudité. Ils se couvrent de feuilles de figuier et Dieu lui-même leur fait don de tuniques de peau, avant de les chasser du jardin d'Eden. Toute l'ambivalence du vêtement est résumée là. Il nous cache et nous protège tout à la fois, accompagne nos premiers pas dans la civilisation. Il est emblématique de ce passage, marqué par la honte et la perte de l'innocence. S'habiller: un droit fondamental

"Même le plus pauvre d'entre les pauvres dans le Levant possède au moins un manteau", indique Aline von Imhoff. C'est la dernière chose qu'on puisse enlever à quelqu'un (et de nos jours, ne dit-on pas qu'on y a laissé "jusqu'à sa chemise"?). Les prophètes condamnent du reste fermement ceux qui prennent aux démunis ce dernier bien. "La nudité étant connotée de honte, l'habit garantit un minimum de dignité." Lorsqu'un personnage est nu, c'est parce qu'il est tombé dans un extrême dénuement (Job), parce qu'il est hors de lui, transporté par l'ivresse comme Noé, ou éperdu de chagrin, suite à un deuil.

"La Bible contient aussi de nombreux extraits où le vêtement symbolise le statut social, la prospérité, l'appartenance, etc.", relève Aline von Imhoff. L'histoire où il joue le rôle le plus central est certainement celle de Joseph. La tunique du dernier né de Jacob déclenche les passions en focalisant sur lui la haine de ses frères, puis joue un rôle clé dans son exceptionnel destin. Mais à quoi pouvait-elle bien ressembler?

Reconstitutions

Vu leur fragilité, les tissus traversent rarement les siècles. La Bible quant à elle, est plutôt avare de détails sur ces aspects. Il existe cependant tout un corpus de textes administratifs, découverts lors de fouilles, qui renseignent à leur sujet et les collections du Musée ont de riches sources iconographiques, "notamment les sceaux-cylindres, dont nous possédons une importante collection", explique Aline von Imhoff.

Ces sceaux servaient à marquer la propriété, principalement sur les objets en céramique, et étaient également utilisés comme amulettes ou bijoux. Ils présentent de vraies scènes imagées, où les personnages sont situés dans leur contexte et fournissent une foule d'indice sur les codes vestimentaires en vigueur. "Certaines formes de vêtements et techniques de production sont de plus restées très longtemps inchangées dans cette région du Proche-Orient, elles nous offrent ainsi de nombreuses pistes pour la reconstitution", note encore Aline von Imhoff.

L'exposition montre les reliefs, originaux pour la plupart, qui ont guidé la démarche des chercheurs. "Les divers types de vêtements ont été refaits en s'efforçant de respecter au plus près les matériaux et les couleurs", indique l'administratrice du Musée. Ils sont présentés sur des figures "Egli" (du nom de leurs concepteurs), à commencer par l'habit le plus prestigieux, celui du Grand Prêtre, mais aussi ceux du paysan ou travailleur ordinaire, des notables et des princes de Canaan.

Pont culturel entre les civilisations

Contrairement aux vêtements ordinaires, l'habit du Grand Prêtre est décrit dans Exode 28, les différents éléments restent les mêmes, même si les interprétations diffèrent au cours du temps. On retrouve à différentes époques des éléments particuliers comme le pectoral (ornement porté sur la tunique) serti de douze pierres semi-précieuses (les douze tribus d'Israël), la frange bordée de grenades et de clochettes (pour s'annoncer devant Dieu), etc.

Autre pratique découlant d'une prescription faite à Moïse, les quatre houppes (tsitsit) qui bordent les vêtements masculins. Ces mêmes houppes s'observent aussi sur certaines représentations de divinités égyptiennes et leur usage se prolonge également jusqu'à nos jours, sur le châle de prière juif (talit).

L'exposition fait plusieurs liens entre les vêtements portés dans cette région du Levant - la terre de Canaan - et ses puissants voisins Egyptiens et Mésopotamiens. Les voies commerciales de ces peuples passaient en effet par le Levant, de sorte que les influences ont beaucoup circulé par cette région qui constitue une sorte de pont culturel. "Le but de nos expositions est toujours de montrer les liens existants entre ces grandes civilisations du Proche-Orient ancien", indique Aline von Imhoff.

Le Musée Bible + Orient de Fribourg possède une riche collection d'environ 15'000 pièces uniques provenant de cette région, dont certaines remontent à près de 7000 ans. Grâce à ses objets qui sont régulièrement montrés au cours d'expositions thématiques, le Musée s'efforce d'éclairer l’environnement complexe où naissent la Bible et les religions monothéistes, afin d'apporter sa pierre au dialogue interreligieux.

INFOS

  • L'exposition est visible jusqu'au 31 juillet au Musée Bible + Orient, Université Miséricorde à Fribourg
  • Visites guidées publiques en français: Samedi, 12 mai à 15h00 et Jeudi, 21 juin à 19h00 (ou sur demande dès 6 personnes)
  • Conférence publique: Jeudi 22 mars à 20h00, salle 3026, L'habillement du grand prêtre, un signe de gloire pour son Dieu, par le pasteur réformé Innocent Himbaza
  • Atelier de confection de figurines: Rizpa et autres histoire de vêtements des temps
    bibliques par Edith Hungerbühler (couturière) et Thomas Staubli (théologien)
    Samedi 16 juin, 9-17 h, salle 301