Un Plan-Fixe consacré à Daniel Marguerat

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Un Plan-Fixe consacré à Daniel Marguerat

26 février 2013
Le théologien Daniel Marguerat rejoint le cercle des « happy few » romands, dont le portrait est immortalisé par un célèbre Plan-Fixe* en noir et blanc. La formule est consacrée. Pendant 45 minutes, une personnalité répond aux questions d'un journaliste, dont on n'entend que la voix. Ou presque. Au final, une interview pratiquement sans coupure, ni montage.


Est-ce que cette façon de filmer est à mettre en lien avec l'austérité protestante et son difficile rapport à l'image? « Peut-être, mais c'est plutôt pour assurer un bon rythme de production grâce à des coûts réduits», a expliqué Alexandre Mejenski, secrétaire général de l'Association Plans-Fixes. Le tournage a lieu en un jour, dans un seul lieu, en noir/blanc, à l'origine sur pellicule 16 mm, aujourd'hui en numérique, sans reprises, ni coupures.



Dans ce Plan-Fixe, la journaliste de radio Manuela Salvy apparaît. «La présence du journaliste dans le plan au cours de l'entretien est assez rare», a poursuivi Alexandre Mejenski. En l'occurrence, cela a été suggéré par Daniel Marguerat pour accentuer l'idée d'un entretien-échange. C'est un point central autour duquel s'articule l'entretien.

C'est comme si on était dans une pièce sans regarder par les fenêtres tant il y a à découvrir à l'intérieur.

Certains Plans-Fixes commencent par ce genre d'image. Dans d'autres, des plans illustratifs (photos, reproductions) ont été insérés au milieu du film. Finalement l'équipe de Plans-Fixes est toujours revenue à la formule de base: des plans-fixes centrés sur la personne sujet du film, sans plans illustratifs, qui permet de tisser une relation spectateur-sujet particulière.

«C'est plus intime. On entre dans un monde et on y reste pendant 45-50 minutes. C'est comme si on était dans une pièce sans regarder par les fenêtres tant il y a à découvrir à l'intérieur», relève encore Alexandre Mejenski.

Les plans-fixes ne se font plus en pellicule 16 mm, mais sur numérique. Pourquoi garder le noir/blanc ? «Au départ, les contraintes du moindre coût ont créé cette esthétique sobre. Aujourd'hui, on conserve le noir/blanc pour cette esthétique justement. Cette sobriété correspond parfaitement à la vision de l'entretien que je viens d'évoquer.»

Un théologien contemporain

Le théologien Daniel Marguerat rejoint ainsi la petite dizaine d'hommes et de femmes, classés sous la rubrique « Spiritualité » des films Plans-Fixes. On y trouve l'Abbé Pierre ou Mère Sofia, qui arpentait le rues de Lausanne à la fin des années 90. Ou encore Rosette Poletti, mais au rayon «Thérapeutes» cette fois. Le prochain film touchant une personnalité, inscrite dans cette catégorie, sera tourné avec Georges Athanasiadès, chanoine de l'Abbaye de St-Maurice et organiste.

Dans cet entretien, Daniel Marguerat raconte comment il a découvert la foi «dans le face-à-face avec l'écriture» à la petite faculté de l'Eglise libre à la rue des Cèdres à Lausanne, aujourd'hui disparue. Ses maîtres, Pierre Bonnard, Samuel Amsler ou Claude Bridel, étaient à la fois des savants et des pratiquants. «Pour moi, ils ont été des modèles, cohérents, qui vivaient ce qu'ils affirmaient dans leurs discours.»

Comment rendre simple la complexité des choses

Comment rendre simple la complexité des choses est l'un des credos de Daniel Marguerat, un des exégètes les plus lus dans le monde francophone. Et il tient sa promesse. On croit comprendre avec lui l'herméneutique, Barthes, la narratologie.

Il n'hésite pas non plus à raconter comment, jeune pasteur en deuxième semaine de stage, il se trouve seul dans une pièce avec un cadavre alors qu'il n'en avait jamais vu. Une expérience fondatrice, selon lui.

Le visionnement du DVD permet encore de découvrir quelques perles comme « Le christianisme qui perd son rapport à l'histoire est un bateau ivre » ou « Je découvre ces textes (ndlr : la Bible) à pied. »

La journaliste Manuela Salvi n'oublie pas non plus de mettre le doigt là où ça fait mal. « Chercheur et pasteur, n'est-ce pas contradictoire ? » Une question, dont la réponse donnée à Lausanne, n'en finit pas de faire des vagues.

Tania Buri

  • *Première du Plan-Fixe consacré à Daniel Marguerat mercredi 27 février 18h30 à la Cinémathèque suisse de Lausanne.

  • Les films sont disponibles en bibliothèques ou à la vente en DVD pour 39 francs. Davantage d'informations sur le site: www.plansfixes.ch

INFOS:

La collection Plans-Fixes est née en 1977 de la volonté d'un groupe de journalistes et de cinéastes (Michel Bory, Jean Mayerat, Nag Ansorge et Bertil Galland) de proposer des entretiens filmés de personnalités de Suisse romande. Près de 280 films ont été tournés.

Si ces films sont d'abord projetés à la Cinémathèque de Lausanne ou aux cinémas du Grütli à Genève, une cinquantaine d'entre eux ont été diffusés sur la RTS. Et depuis quelques années, certains ont rejoint les festivals comme les portraits d'Alain Tanner et de Jean Ziegler au festival Visions du Réel de Nyon. D'autres, comme Jacques Chessex et Alice Rivaz ont été diffusés dans les Ambassades de Suisse à Vienne, Sofia, Bucarest, Athènes, San José (Costa Rica) ou Tokyo, dans le cadre de la Fête de la Francophonie. tb