La théologie du ventre, une pratique quotidienne

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

La théologie du ventre, une pratique quotidienne

Laurence Villoz
8 décembre 2015
Noël approche à grands pas avec sa farandole de repas tous plus copieux les uns que les autres. Une multitude de goûts et d’odeurs: de la dinde aux marrons, des biscômes, ou encore du vin chaud. Le professeur de théologie pratique de l’Université de Lausanne, Olivier Bauer, étudie la nourriture dans son rapport à la foi. Rencontre.

Photo: CC(by) Moyan Brenn

Quel est le rôle des aliments dans le christianisme?

Ils nourrissent, ils représentent la vie. Et ils ont parfois une valeur symbolique qui peut être très diverse. La fonction symbolique porte sur quelque chose qui est indispensable à la vie et cela veut dire que tous les jours quand on mange, on est tenu de réfléchir au sens de ce qu’on mange. Le simple fait de pouvoir manger est un acte théologique et le bénédicité permet de remercier Dieu.

Du côté chrétien, ou en tout cas protestant, il n’y a plus d’interdiction théologique de consommer tel ou tel produit. La responsabilité personnelle oriente le choix de manger de la viande, du chocolat issu du commerce équitable ou encore des produits locaux. Un aliment ne va pas nous éloigner ou nous rapprocher de Dieu. On mange comme on croit, peu importe les croyances. C’est une question de valeurs et de symboles.

Est-ce qu’il y a des plats typiquement chrétiens pour Noël?

Oui, toutes les volailles. Mais cela dépend vraiment des endroits. Si en France, on mange plutôt de la dinde, en Suisse on aura tendance à consommer de la viande et à Magadascar, ce sera de l’oie. Il ne faut pas oublier que c’est un repas de fête, d’où la profusion de viandes, de plats et de mets plutôt chers.

Les petits bonshommes en pâte font également partie des mets associés à cette période. A mon avis, il y a un lien direct entre la naissance de Jésus et ce petit personnage de pain. Quant aux biscômes et aux pains d’épices, j’y vois un rapport avec les mages venus d’Orient. Ils apportent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Je pense que ce n’est pas un hasard si les épices se retrouvent en période de fêtes.

Par ailleurs, dans la tradition provençale, il existe treize desserts de Noël, composés entre autres de fruits secs, de nougats, de noix et de fugace. L’interprétation symbolique dépend de chaque sensibilité, mais par exemple le nombre 13 peut clairement être vu comme une référence à Jésus et ses douze disciples.

Vous pensez que manger de la volaille est un choix symbolique?

Non, je ne pense pas que les chrétiens ont décidé, à un moment précis, de fêter Noël en mangeant de la dinde. Cela dit, le fait d’associer cette nourriture au repas de Noël lui donne une valeur particulière. Il se peut que si on mange de la dinde aux marrons à une autre période de l’année, on pense à Noël. En même temps, manger de la dinde n’est pas forcément un témoignage de foi.

Pourquoi associer un goût à une fête ou un concept religieux?

L’être humain utilise tous ses sens. Il s’agit de le toucher dans toute sa dimension. Et à travers le goût, les réponses ne sont pas justes ou fausses. Par exemple, si pour moi la bénédiction de Dieu est symbolisée par une odeur de vanille, cette correspondance a du sens et je peux l’expliquer. Cette démarche permet de s’interroger sur la façon dont chacun comprend et appréhende la religion.
L’implication du sujet devient beaucoup plus importante.

Olivier Bauer, en quelques mots

Né en 1964 à Neuchâtel, Olivier Bauer est marié et père de trois jeunes adultes. Après sa licence de théologie à l’Université de Neuchâtel, il travaille comme pasteur dans l’Eglise réformée de France, dans l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel ainsi qu’en Polynésie française. En 2000, il obtient son doctorat intitulé «“Quand faire, c’est dire”. Les processus de ritualisation dans l’Eglise évangélique de Polynésie française», sous la direction de Bernard Reymond. Il obtiendra, ensuite, un poste de professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal, qu’il occupera pendant dix ans. Depuis septembre 2015, Olivier Bauer est professeur de théologie pratique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne.