Un piano libéré dans une Eglise
«Avant, chez moi, je jouais de ce piano fermé avec une couverture dessus pour éviter de déranger les voisins», explique le pianiste Johan Treichel. «Comme nous nous apprêtions à déménager, je me suis dit qu’il était dommage de déménager encore une fois cet instrument, sans jamais pouvoir le faire sonner comme il devrait. C'est un peu comme avoir un pur-sang et ne pas pouvoir le faire galoper.» Il s’est donc mis à la recherche d’un lieu où cet instrument pourrait mieux être mis en valeur.
Or, à quelques kilomètres du domicile chaux-de-fonnier du jeune musicien, se trouvait une pasteure, Corinne Baumann qui cherchait un instrument pour la petite église de Sonvilier dans le Vallon de Saint-Imier. Un accord a donc été trouvé: le piano résidera à l’église. La paroisse pourra l’utiliser et le pianiste pourra utiliser l’église. «Cette église est superbe. C’est un magnifique écrin. Désormais, elle abrite un bijou», se réjouit Corinne Baumann, également présidente d’«Inspirations», le volet culturel des paroisses réformée et catholique de l’Erguël. «Si nous étions de bons collectionneurs suisses, je n’aurais jamais entendu parler de ce piano; il serait resté caché, comme ces tableaux que l’on enferme dans un coffre-fort. Mais là, nous allons faire briller à la fois l’écrin et le bijou!»
Agé d’une trentaine d’années, ce piano est un instrument de concert viennois de la marque Bösendorfer. Il avait été acquis par le pianiste Jacques Chapuis, le père de la femme de Johan Treichel. Jeanne-Lise Treichel, elle-même violoniste, en a donc hérité à la mort de son père. «Ce piano a toujours vécu en appartement», note Johan Treichel.
Le public pourra découvrir cet instrument samedi 9 janvier à 17h, lors d’un concert de vernissage. «Nous avons prévu une première partie qui permettra de présenter les capacités de l’instrument et une deuxième partie plus festive avec la participation de plusieurs musiciens avec qui nous travaillons régulièrement.» Ainsi outre le couple Treichel, le public pourra entendre les chansons d’Antoine Joly. «Présenter des textes parfois un peu anarchistes dans une église est une idée qui lui plaît beaucoup», sourit Johan Treichel. «Surtout que le village a une longue tradition anarchiste.»
D’ici à samedi, les organisateurs ont un planning bien chargé: outre caler le programme de façon à ce que les cloches sonnent durant l’apéro et préparer la collation, ils doivent encore accueillir l’un des rares spécialistes de la marque Bösendorfer, venu de Lyon, pour adapter les sonorités de l’instrument au lieu.
Ce premier concert s’inscrit dans le programme d’«Inspiration», mais par la suite, les musiciens proposeront un programme culturel de leur cru autour de ce piano.
Du côté d’«Inspirations», l’année va se poursuivre le 11 mars par une représentation de la pièce «On m’appelait Judith Scott» précédée d’une conférence de l’historienne de l’art Catherine Krüttli qui expliquera ce qu’est l’art brut. «Ce spectacle est un monologue très intimiste qui n’a été présenté qu’à de rares occasions», explique Anne Baume, membre du comité d’«Inspirations». «Judith Scott était trisomique, sourde et muette. Elle réalisait des sculptures en fils de laine.» Un atelier peinture sera également proposé le 28 mai.