L’œuvre d’un passionné

Le triptyque de La Passion est exposé dans le chœur de l’église de La Chiésaz à Saint-Légier. / © Anne Vallelian
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Le triptyque de La Passion est exposé dans le chœur de l’église de La Chiésaz à Saint-Légier.
© Anne Vallelian

L’œuvre d’un passionné

Anne Vallelian
29 mars 2023
Passion
Dans l’église de La Chiésaz à Saint-Légier se niche un triptyque de La Passion réalisé par le Veveysan Roger Gerster. Rencontre avec le peintre en personne devant son tableau datant de plus de soixante ans.

Dans le silence apaisant du temple de Saint-Légier, l’heure est à la contemplation. Dans le chœur, le triptyque de Roger Gerster. Les principales étapes de la Passion du Christ y sont représentées à l’instar de la prière au mont des Oliviers, la flagellation, la crucifixion et la mise au tombeau. A l’âge de 18 ans, le jeune homme s’attelle à ce triptyque et le terminera deux ans plus tard. «Le revoir me procure systématiquement une émotion particulière, confie aujourd’hui l’artiste de 84 ans. C’est une époque tellement lointaine et en même temps, c’est moi.» L’œil aiguisé du peintre se fxe un instant sur les arbres peints sur l’un des volets. «En ce moment, je travaille beaucoup sur la thématique de l’arbre, précise le natif de Vevey. Je ne les peins désormais plus ainsi, toutefois l’esprit est intact.»

Toujours en création, en ébullition, l’artiste ne cesse de peindre, de sculpter, de dessiner. «Je travaille 24 heures sur 24. La peinture est une évidence, je ne l’ai pas choisie, elle s’est imposée à moi.» Quand il a cinq ans, sa mère expose dans le jardin ses premiers dessins accrochés au fil qui sert initialement à sécher le linge. En somme, son premier vernissage! «J’ai eu de la chance d’avoir des parents compréhensifs», admet notre interlocuteur.

Sa première exposition officielle donne le coup d’envoi de sa carrière. «Là aussi j’ai eu une chance incroyable! J’ai exposé dans une galerie de Montreux juste après des peintres renommés. J’avais 17 ans, j’étais un gamin. Des collectionneurs importants étaient présents, ont cru en moi et ont permis que je puisse vivre de mon art.»

Une histoire rocambolesque

L’œuvre n’a pas toujours été placée dans le chœur de l’église de La Chiésaz. Pendant des années, le triptyque a été exposé à l’entrée à droite du temple. La peinture a même été reléguée un temps à la chapelle de Blonay, car le pasteur de l’époque considérait qu’elle n’avait pas sa place dans une église protestante! «Fort heureusement, le mécène s’est interposé en rappelant que les conditions n’étaient pas respectées, rappelle Roger Gerster. Mon tableau devait être présenté dans l’église de La Chiésaz et pas ailleurs.» L’œuvre a donc été rapatriée, d’abord à l’entrée et enfn, tout récemment, dans le chœur.

«J’ai toujours senti que c’était sa place, je suis soulagé et satisfait que ce déplacement ait été effectué.» En observant plus attentivement les différents volets, on constate qu’une vitre protège la partie centrale, au contraire des autres. «Une personne mal intentionnée et prise de folie s’est un jour attaquée au tableau et a entièrement lacéré le volet du milieu», raconte l’artiste. Depuis, il a été restauré et la partie endommagée a été recouverte d’une vitre. «Entre les différents désaccords que cette œuvre a suscités, son attaque au couteau et ses divers déplacements, cette peinture cache un récit rocambolesque», sourit Roger Gerster. Une impression partagée par Laurent Jordan, pasteur à Blonay – Saint-Légier. «Ce tableau détient une histoire particulière dans la paroisse, confirme Laurent Jordan. Certaines personnes ne l’appréciaient pas, car ils n’y percevaient pas la résurrection. Leur lecture est peut-être trop courte. Bien entendu, il s’agit de mon analyse mais en examinant de près les habits intemporels et les émotions des personnages, j’y entrevois des signes d’espoir.»

A noter que ce triptyque sera le thème du culte de Vendredi saint le 7 avril.