1946. Franck Buchman, un pasteur luthérien américain, souhaite créer un mouvement pour un monde sans haine. Caux Initiatives et Changement (nommé alors «Réarmement moral») naît dans le Caux Palace. Au sortir de la guerre, les premières conférences y ont lieu, notamment entre Français et Allemands. Renommées Caux Forum en 2017, les conférences de Caux visent à inspirer, équiper et connecter les individus en vue d’un monde «juste, en paix et durable», selon les statuts de la Fondation.

Trois rendez-vous se déroulent cet été. Pour chacun, 200 à 300 participants sont attendus (issus de la société civile, de mouvements populaires, d’ONG, d’organismes gouvernementaux, de médias, d’agences des Nations unies…). Le «Caux Forum sur les objectifs de développement intérieur» cible les transformations personnelles à opérer pour atteindre les objectifs de développement durable de l’ONU; le Forum pour la démocratie place l’accent sur des valeurs démocratiques (intégrité, responsabilité, transparence et inclusivité); et un forum intergénérationnel est centré sur les notions de liberté et égalité, fraternité et foi, espoir et amour. La spiritualité y sera présente: chaque journée démarre par une cérémonie d’inspiration autochtone pour se relier à une transcendance.

Sarah Noble est responsable de l’engagement international pour la Fondation de Caux Initiatives et Changement et active depuis vingt ans dans la résolution de conflits (peace building).

Le terme de «paix» paraît presque désuet: pourquoi?

Peut-être, car on la prend pour acquise. Or, d’après les données de l’institut suédois d’Uppsala pour la résolution des conflits, nous vivons actuellement dans le plus grand moment de violence depuis la fin de la guerre froide. Nous ne vivons pas une guerre mondiale, mais nous vivons dans un monde en guerre, comme le soutient Paul Poast, professeur associé à l’Université de Chicago. L’enjeu est de choisir de gérer le conflit par la violence ou par le dialogue. Les conflits peuvent contribuer au progrès et être résolus sans violence, mais aujourd’hui le recours à la violence est toujours plus systématique. Nous manquons de capacités de leadership pour résoudre les problèmes d’une autre manière. Quant au pacifisme, il existe toujours, mais il est moins audible que les voix qui poussent à la guerre. Dans le conflit israélo-palestinien, on fait taire les voix pour la paix.

Quels outils sont indispensables à la paix?

Le Caux Forum vise à permettre à chacun d’être le changement qu’il veut voir dans le monde. Même si cela ne semble pas produire d'impact, travailler sur soi, pratiquer activement l’amour, la tolérance, le respect, construire la confiance, cela contribue à construire un monde plus positif. Se focaliser sur ces valeurs est donc important sur le plan individuel. La méditation est l’un des outils pour y parvenir, car elle nous permet de prendre conscience que nous sommes tous connectés. Nous nous concentrons sur nous-mêmes, dans nos sociétés individualistes, sans comprendre nos interconnexions ni réfléchir à nos manières de gérer les conflits.

Quels signes d’espoir voyez-vous pour la paix?

Je pense à une conférence entre un Israélien et un Palestinien, dont des amis proches ont été tués le 7 octobre 2023 et après. Le monde est partagé entre ceux qui sont convaincus du besoin de paix et ceux qui ne voient pas encore cette urgence. L’espoir est une action que nous devons pratiquer chaque jour. Je lisais le livre de Jane Goodall: elle y rappelle que l’espoir est un mécanisme de survie humain.