L’aumônière réformée de l'Université de Neuchâtel cherche son public
«Vous êtes une secte?» Cette question, Chloé Cherpillod, 26 ans, la connaît bien. On la lui pose régulièrement lorsqu’elle tente de faire la promotion de l’aumônerie oecuménique de l’Université de Neuchâtel (Unine). Située dans un petit appartement sis au numéro 11 de la rue de la Pierre-à-Mazel, cette antenne d’accueil et d’écoute est animée depuis le mois d’août par la jeune Vaudoise.
Employée par l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN), Chloé Cherpillod y est présente à 50%, selon le mandat fixé par le concordat conclu entre l’Eglise et l’Université. Cependant, pour l’heure, elle peine à convaincre les étudiants de la plus-value que sa présence apporte au campus. «J’ai dû annuler presque toutes les activités que j’ai proposées en 2023, ainsi que l’atelier d’écriture qui était prévu ce lundi», confesse la jeune femme, qui avoue avoir subi «une grosse baisse de moral à Noël», tant son aumônerie demeurait vide.
Lucide, Chloé Cherpillod sait pertinemment que toute marque d’une appartenance religieuse peut faire peur, surtout dans le milieu académique. Et si elle avait proposé au départ des lectures bibliques et des discussions théologiques, elle a désormais pour ambition d’élargir son activité. «Je parle d’accompagnement spirituel dans les flyers que je distribue, car le mot aumônerie peut faire peur et est trop connoté pour ceux qui le connaissent encore», confie-t-elle.
Elargir le champ
La pasteure Christine Hahn, conseillère synodale responsable des aumôneries et de la diaconie, abonde dans ce sens: «Il faut être créatif, sans toutefois perdre de vue la dimension spirituelle. L'EREN ne fait pas du prosélytisme en la personne de Chloé Cherpillod, dont la mission est plutôt d’élargir ce champ.» Et cette ouverture, peu à peu, porte ses fruits, bien que tout reste encore à faire. En effet, quelques personnes se retrouvent auprès de Chloé Cherpillod lors des méditations, agendées tous les mardis pendant la pause de midi. «Ce sont toutefois les ateliers créatifs, comme la session peinture, qui marchent le mieux pour le moment», exprime la jeune aumônière. Ces derniers réuniraient parfois jusqu’à cinq personnes, «ce qui est encourageant».
Elisa, étudiante en lettres, est venue pour la première fois à l’aumônerie la semaine passée pour une prise de contact. «Je pense qu’il est intéressant de ne pas se limiter à des activités en lien avec le christianisme, mais que tout le monde ait sa place. Je reviendrai avec grand plaisir.»
Des lieux moins évidents
Se pose donc la question de l’utilité, aujourd’hui, d’une aumônerie dans les milieux scolaire ou académique, moins évidente que dans des lieux comme les prisons ou les EMS. «Ces aumôneries sont des exceptions, par rapport à celles placées dans des milieux où la détresse spirituelle peut être plus évidente. Mais il est très important pour nous d’offrir des temps centrés sur l’étudiant, à l’écart de la frénésie des études», déclare Christine Hahn.
De son côté, le recteur, Killian Stoffel, pense «qu’il est utile de proposer un espace d’écoute et de recueillement pour les membres de la communauté universitaire qui le souhaitent, même s’il est peu utilisé».
De l’avis de Chloé Cherpillod, «parler de ce qu’on ressent est essentiel, dans un moment charnière comme les études». Diplômée tout récemment en théologie, elle a notamment vécu la pandémie de Covid pendant son cursus universitaire.
Elle remarque, notamment grâce aux entretiens qu’elle mène avec certains étudiants qui en font la demande – «en moyenne un par mois pour le moment» –, que «les répercussions de cette période sont encore très grandes». Et d’ajouter qu’«un soutien spirituel peut donc être nécessaire, mais qu’il faut le différencier d’une aide psychologique, qui a d’autres vertus, complémentaires».
Consciente que la présence à mi-temps de Chloé Cherpillod n’est pas suffisante pour espérer des résultats complètement satisfaisants avant «quelques mois encore», Christine Hahn ajoute encore que «le congé maladie de l’aumônier qui l’a précédée, qui a duré près d’un an, n’a pas été favorable au rayonnement de ce service offert aux étudiants».