La nudité de la croix
Soit la représentation de la croix où le supplicié est pendu au bois (l’expression dérivant du latin cruxi fixus, «fixé à la croix»).
Oui, dans les temples réformés, la croix est le plus souvent nue. Jésus en effet ne peut s’y trouver: il est ressuscité! Mais il y a encore une autre raison, souligne Jérôme Cottin, théologien à Strasbourg et spécialiste de l’art chrétien: «C’est aussi parce qu’on ne peut représenter le Christ, à la fois homme et Dieu.»
Cela dit, précise le professeur alsacien, la tradition luthérienne – à la différence de la réformée – a gardé la représentation du crucifix, courante dans l’iconographie catholique. «C’est en cohérence avec la théologie de Luther, pour qui la faiblesse de l’homme pendu au bois exprime pleinement la puissance de Dieu», explique-t-il.
XIXe siècle, moment crucial
En fait, ce n’est qu’aux XIXe et XXe siècles que la croix (sans le Crucifié, bien sûr) a repris place dans les églises réformées, avec les mouvements de réveil et le renouveau liturgique. Auparavant, elle n’était simplement pas présente. «Calvin se serait même réjoui lorsqu’un orage avait fait tomber la croix dans la cathédrale de Genève. Pour lui, cette représentation comportait un risque d’idolâtrie», raconte Jérôme Cottin.
La question n’est plus guère problématique aujourd’hui. Mais elle continue parfois de resurgir. Ainsi, au moment de la rénovation du temple d’Aix-en-Provence, il y a une douzaine d’années, l’installation d’une croix en bois a donné lieu à de véritables divisions, amenant même certains à quitter la paroisse. Le scandale de la croix, vous disiez?