Pierre Viret réédité avec passion
par Joël Burri
Arthur-Louis Hofer dans la chaire de l'Eglise de Saint-François à Lausanne. Pierre Viret y avait prêché. (Photo: job)
L’histoire a un peu tendance à oublier Guillaume Farel et Pierre Viret au profit du seul Jean Calvin, une injustice que le pasteur Arthur-Louis Hofer tente de corriger. Depuis 1999, il s’est lancé dans l’édition de l’«Instruction chrétienne» de Pierre Viret. Une somme théologique jamais rééditée depuis 1564.
Il y a une préhistoire avant Calvin«On attribue à Calvin les doctrines de la prédestination et de la discipline de la Sainte-Cène» (la possibilité donnée aux pasteurs de refuser la cène aux paroissiens qu’ils en jugent indignes). Mais pour Arthur-Louis Hofer «Avant Calvin, les écrits de Farel présentent déjà les doctrines de la prédestination et de la discipline de cène. Il y a toute une préhistoire avant Calvin qui est mal connue.»
Le bouillonnant octogénaire insiste sur les liens qui existaient entre les trois réformateurs: «Ces trois grands gaillards se connaissaient.» Ils s’étaient certainement réparti les tâches. Pour Arthur-Louis Hofer, cela il ne relève pas du hasard si dans ses écrits Calvin s’attaque aux reliques alors que Viret s’attaque au culte voué à la vierge Marie.
Dieu créateurLe troisième tome de l’«Instruction chrétienne» paru juste avant Noël aux éditions de L’Age d’Homme correspond à la première partie du deuxième livre de l’édition originale. L’«Instruction chrétienne» suit une structure classique prônant à la fois le respect de la Loi divine et de l’Evangile. Ainsi le deuxième tome consacrait quelque 700 pages aux dix commandements, et ce troisième tome présente sur des centaines de pages le thème du Dieu créateur apparaissant dans la première phrase du Symbole des apôtres: «Je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre».
Arthur-Louis Hofer sourit «Je suis moi-même dans le bain de la Réforme depuis tout petit. A l’école du dimanche comme en leçons de religions plus tard à l’école, on nous faisait apprendre par cœur chaque semaine un verset de l’Ancien Testament et un du Nouveau Testament. On ne met pas le Nouveau Testament au-dessus de l’Ancien Testament».
Dans ce troisième tome, Pierre Viret dépeint en une grande fresque l’œuvre du Dieu créateur. Les organes humains, le cerveau en particulier y sont expliqués et Pierre Viret y voit la grandeur de Dieu.
Un grand orateur«La particularité de Pierre Viret, par rapport à Jean-Calvin est qu’il a rédigé son instruction sous la forme d’un dialogue.» L’élève, Nathanaël suit l’instruction de son maître Philippe. «Le procédé n’est pas nouveau, c’est un emprunt aux philosophes grecs, comme Platon», souligne le pasteur Hofer. Dans cette réédition, l’orthographe du texte est modernisée pour en faciliter la lecture, mais la ponctuation est proche de celle du réformateur vaudois. «Pierre Viret était un grand orateur, cela se sent dans ses textes. C’est un peu du théâtre! J’ai donc gardé cette ponctuation oratoire plus que grammaticale». Une option contestée depuis la parution, en 2004, du premier tome de cette instruction.
Condamné à vivreLe quatrième tome «pénétrera plus encore dans l’âme humaine pour se terminer par quelque deux cents pages consacrées au mariage et à la génération, à la nature et à l’immortalité de l’âme», promet l’introduction du troisième tome. Cela correspondra à la fin du deuxième livre de Pierre Viret. Enfin si le troisième livre a été perdu ou jamais écrit, Arthur-Louis Hofer compte bien se servir des autres écrits connus de Pierre Viret pour compléter cette «Instruction Chrétienne» avec une partie sur la prière et la liturgie. «Je suis condamné à vivre», sourit-il conscient du travail restant à effectuer.