Regard féminin sur la Réforme

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Regard féminin sur la Réforme

Carole Pirker
6 septembre 2013
Une promenade historique sur les traces de Guillaume Farel propose en huit étapes un regard féminin sur l’histoire religieuse de Neuchâtel. Interview avec sa conceptrice, Elisabeth Reichen.

, La VP Neuchâtel Berne Jura

Vous démarrez cette visite guidée sur les lieux du mariage de Guillaume Farel avec Marie Torel, en décembre 1558. Pourquoi ce choix?

– Car ce mariage est choquant: pourquoi un homme «au bord de la fosse», comme le disent ses amis, se marie-t-il avec une si jeune fille? Marie Torel, pieuse et discrète, n’a que 18 ans et Farel, lui, 69! Le scandale a rompu sa longue amitié avec Calvin qui essaie, malgré son opposition, de calmer les esprits à Neuchâtel.



Quelle était la condition des femmes à Neuchâtel, au XVIe siècle?


– Alors que le catholicisme de l’époque connaît plutôt des mœurs relâchées, les réformateurs introduisent des règles morales sévères, pour réprimer le plaisir mais aussi protéger les femmes d’abus et de grossesses illégales. Pourtant, malgré une soumission «naturelle» attendue des femmes, hommes et femmes ont les mêmes devoirs. Une sorte d’égalité est établie entre les sexes concernant le droit au divorce, sauf que les hommes sont largement favorisés dans son application.

En revanche, vu que, selon Calvin, frapper est indigne d’un chrétien, les hommes qui battent leur femme se trouvent jugés. Il existe enfin pour les filles une instruction élémentaire, sauf si les familles aisées peuvent leur payer des cours privés. Mais les études avancées restent, elles, réservées aux hommes.



Vous évoquez aussi la figure de Marie Dentière, qui était-elle?


– C’est la première théologienne de la Réformation. C’est une ancienne prieure et une femme très instruite, surtout connue pour son «Epistre tres utile», publié en 1539 sous le nom de son mari Antoine Froment, dans lequel elle dénonce la corruption du clergé genevois. Elle y prône aussi une participation active des femmes en matière de religion, affirmant qu’hommes et femmes sont égaux quant à leur capacité à comprendre les textes sacrés. La plupart des exemplaires du pamphlet sont saisis par les autorités genevoises, ce qui en ferait le premier texte victime de la censure réformée à Genève. 



Qu’a apporté la Réforme à la condition des femmes?


– Un statut, une reconnaissance en tant que ménagère et gouvernante, souvent d’un ménage important qui inclut l’hospitalité de gens de passage, selon le métier du mari. Elles sont aussi reconnues responsables de l’éducation des enfants. Par contre, en dehors de la maison, il n’y a pas de place pour la femme, pas de ministère féminin.

Pourtant, les accusations de sorcellerie continuent à frapper de nombreuses femmes.

Comment l’expliquer?


– Cela tient beaucoup à l’absence de statut social des femmes vivant seules, surtout si elles ne trouvent pas d’accueil dans leur famille. Cela tient aussi à des jalousies, ou à la crainte qu’elles «volent» le mari d’une autre. Elles peuvent aussi se retrouver accusées de sorcellerie en cas d’héritage.

Enfin, les femmes qui donnaient des soins et dont le traitement s’avérait inefficace couraient aussi le risque de se retrouver accusées de sorcellerie. De la part des hommes, il y a enfin une incompréhension et une peur de la sexualité des femmes, qu’ils n’arrivent pas à dominer. La domination se fait alors d’une autre manière…



  • Visites guidées: 7 septembre, 
5 octobre et 2 novembre, 
de 10h30 à 11h30.
 Rendez-vous au péristyle de l’Hôtel
de Ville de Neuchâtel.