«Il faut réapprendre à être ensemble»

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«Il faut réapprendre à être ensemble»

29 avril 2013
Le souffle va où il veut plonge le lecteur dans les expériences de vie de Rosette Poletti et de Lytta Basset, les deux pionnières de l’accompagnement psycho-spirituel en Suisse romande. Sous forme d'entretien avec le théologien Serge Molla, cet ouvrage aborde la question de l'accompagnement des personnes en quête de sens, en deuil ou malades. Rencontre avec Rosette Poletti.Par Laurence Villoz«Il faut réapprendre à être ensemble», lance Rosette Poletti, docteure en soins infirmiers, psychothérapeute et chroniqueuse pour Le Matin Dimanche. «Les grandes villes devraient mettre en place des rassemblements, plusieurs fois par jour, où les gens pourraient se retrouver et partager un bouillon ou un moment de prière». Après avoir travaillé pendant plus de cinquante ans dans le domaine de la santé, cette femme de 75 ans souligne l’importance du partage et des rituels, spécialement dans les moments de deuils.
Tourner la page

«Que ce soient la mort d’un proche, un divorce ou un enfant qui quitte la maison, ces situations engendrent un sentiment de perte», explique l’organisatrice des Café-deuil*. Face à cette perte, la personne vit un deuil. «Le rituel est un moyen de tourner la page, il s’inscrit au niveau du subconscient et demande une implication personnelle».

Par exemple, lors de cérémonies mémoires**, le fait d’allumer une bougie en souvenir d’un défunt ou de lui écrire une lettre qui est déposée dans un endroit spécifique, consiste en un acte concret qui implique personnellement la personne en deuil. «Cette démarche s’inscrit en elle autrement que lorsqu’elle ne fait qu’écouter et qu’elle est passive», ajoute la thérapeute.

A chacun son rituel

Dans Le souffle va où il veut, Rosette Poletti raconte différents rituels qu’elle a mis en place. Entre autres, pour un homme âgé qui vivait difficilement le fait de devoir renoncer à son permis de conduire. La cérémonie consistait à «féliciter cet homme pour sa longue carrière de conducteur». «Tous ses amis étaient présents et ils ont partagé des souvenirs liés à la conduite et lui ont offert des bons pour prendre le taxi», raconte Rosette Poletti. En marquant l’événement, «on fait mémoire et on regarde ce qui va venir et comment on peut s’y préparer».

L’accompagnement et le rituel sont élaborés en tenant compte de la personne, de la nature de sa perte, de sa culture et de ses croyances. «Pour moi, il n’y a plus de frontière entre l’accompagnement psychologique et spirituel, mais je m’adapte à chaque personne, j’essaie de comprendre à quels niveaux sont ses problèmes et ce qui l’empêche d’avancer».

Sur la crête

Son approche est différente face à quelqu’un qui subit des «freins spirituels, comme une image culpabilisatrice de dieu», ou face à une personne non-croyante. «Je suis aussi à l'aise avec la spiritualité qu'avec la psychologie. Quand je rencontre des gens qui le sont aussi, j’avance sur cette crête», sourit la pionnière.

C'est vrai que Rosette Poletti avait d'abord hésité à devenir soeur après avoir vécu des retraites dans le Sud de la France auprès des soeurs protestantes de Pomeyrol. Mais elle a préféré s'orienter vers les soins infirmiers, sans oublier la spiritualité pour autant. En s'initiant à la médiation hésychaste par exemple.

J’ai l’image d’un grand récipient plein de sable, qu’il faut laisser reposer pour que l’eau deviennent claire, cela m’apporte de la sérénité.

«Cette pratique me permet de me retrouver au centre de moi-même». La méditation hésychaste pratiquée par les Pères du désert et les moines du Mont Athos est d’origine chrétienne. Pratiquée en silence, cette démarche propose de se focaliser sur le «Souffle» et vise le lâcher-prise, la déconnection du mental et le recentrement.

«Elle est très proche de la méditation bouddhiste, mais je l’ai choisie pour ses racines chrétiennes », explique Rosette Poletti. «J’ai l’image d’un grand récipient plein de sable, qu’il faut laisser reposer pour que l’eau deviennent claire, cela m’apporte de la sérénité».

Le secret

C’est dans la même ouverture d’esprit que Rosette Poletti livre une «formule du secret» dans son livre. Cette thérapeute possède la capacité de soigner par la prière des personnes qui ont été brûlées ou qui ont des hémorragies. «Nous avons beaucoup hésité à écrire 'cette formule'. En fait, il s’agit d’une prière, 'ce n’est pas le bâton magique'. Une personne prie pour une autre, tout en ayant profondément la foi. Il existe beaucoup de 'formules' différentes, 'je pense que les résultats seraient les mêmes avec une autre prière'».

Cette docteure en soins infirmiers a souvent lutté, dans sa vie professionnelle, contre le fait que ces traitements, comme les pratiques énergétiques soient parfois associées à des pratiques occultes. «Ce sont des prières, certaines issues de textes bibliques», précise-t-elle. «Cela devient problématique dès le moment qu’on les considère comme secrètes». En proposant un formule dans son livre, cette femme trouve le moyen de «desecrétiser» ces pratiques.

«Par contre, je cautionne difficilement le recours à un médium, mais si une personne pense que c’est la seule solution pour avancer dans son processus de deuil…», sourit Rosette Poletti. Guidée par la compassion et la spiritualité, cette femme au cheveux blancs prône «l’acceptation de l’autre avec tout ce qu’il ressent, sans jugement».

Plusieurs rencontres et débats prévus:

  • Le mercredi 1 mai, une rencontre avec Rosette Poletti et Lytta Basset au Salon du livre à Genève dès 14h, suivi des signatures de 15h à 16h.

  • Une nouvelle séance de signatures est prévue le dimanche 5 mai de 15h à 17h00, toujours au Salon du livre.

  • Le 8 mai, une rencontre avec Rosette Poletti et Lytta Basset, animée par Jacques Poget, ancien rédacteur en chef de 24 heures, se déroulera à l’Espace culturel des Terreaux à Lausanne, à 18h30. Entrée libre.


*Les Café-deuil sont des rencontres qui ont pour but d’offrir un espace à toute personne qui veut venir parler de ses deuils.

**Chaque 24 décembre, Rosette Poletti organise à Montoie, le cimetière de la ville de Lausanne, des services en mémoires des personnes défuntes, avec l’Association Vivre son deuil.


Du «spirituel» au souffle selon Lytta Basset

Extraits de quelques propos de Lytta Basset dans le livre, Le souffle va où il veut :

«Lytta Basset: Dans le cadre de la formation continue, [l’adjectif « spirituel »] signifie précisément la recherche de sens et l’ouverture aux questions de fond de l’être humain. Autrefois, on aurait dit «questions métaphysiques», par exemple: «Pourquoi suis-je sur cette terre? D’où est-ce que je viens? Où vais-je? Quel est le sens de ma présence ici? Quel est le sens de la souffrance?»

L’adjectif «spirituel» est donc pris dans un sens très large. Pour ma part, je suis enracinée dans la tradition chrétienne: spiritus est l’équivalent latin de pneuma qui est le souffle, dont nul ne sait ni d’où il vient ni où il va. Je dirais à son propos qu’il est ce qui fait bouger, ce qui déplace à l’intérieur de soi, et qui déplace les humains entre eux, qui fait bouger les relations… et qui bouscule la perception du Tout-Autre, bien sûr. » (p. 44)

«Je suis persuadée que le souffle va où il veut, il nous emmène là où on n’a pas du tout conscience qu’on va aller», s’émerveille Rosette Poletti. D’où le titre du livre, Le souffle va où il veut, symbolisant l’esprit saint qui apparaît là où on l’attend le moins.

Publié au éditions Labor et Fides en avril 2013, cet ouvrage de 180 pages est divisé en quatre chapitres: santé, mort, convictions et église et théologie. Rapidement, le lecteur est emmené au centre d’une discussion existentielle où finalement les quatre thèmes s’entrecoupent et se complètent pour dépeindre les trajectoires personnelles de Rosette Poletti et de Lytta Basset. LV