Une passion contemporaine

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Une passion contemporaine

12 mars 2013
Théâtre, musique et pastorat se rejoignent autour du mot «interprétation» pour Christian Vez, pasteur de l’Eglise évangélique réformée vaudoise et aumônier à l’EPFL. Entretien à l’occasion de la prochaine sortie de deux spectacles dont il l’auteur ou le metteur en scène.
(Photo: «Aldjia, la femme divisée»)


Vous proposez à la fois un oratorio et une pièce de théâtre qui seront joués prochainement. Parlez-nous de ces deux projets.

Nous avons créé l’oratorio «Passions» en 2002 à l’occasion d’Expo.02. L’idée était alors de présenter une passion un peu renouvelée, avec des figures contemporaines qui puissent faire écho à la passion du Christ. Parmi de nombreuses personnalités, notre choix s’est finalement porté sur Martin Luther King et sur Etty Hillesum*. Deux figures du XXème siècle très différentes, dans des contextes très différents, mais qui ont chacun fait rayonner quelque chose de lumineux.

Yves Hürlimann et Juliane Dind ont composé la musique, et j’ai écrit le texte. Dix ans après cette expérience, nous nous sommes retrouvés pour relancer ce projet. Pour cette nouvelle version, Yves Hürlimann a retravaillé la musique, le texte lui demeure semblable. Quant aux artistes, il s’agit d’une équipe renouvelée et créée pour l’occasion.

En ce qui concerne la pièce de théâtre, «Aldjia, la femme divisée», il s’agit d’un texte de Jacques Probst, auteur suisse romand, qui part de cette histoire terrible et méconnue que l’on trouve dans le livre des Juges (19 et 20). Il s’agit d’une femme, Aldjia, violée et tuée par une horde de vauriens, puis découpée en douze morceaux par son mari pour inciter les tribus d’Israël à la vengeance.

Ce texte, dont on ne sait évidemment pas quoi faire et qui nous gène, est poursuivi d’une certaine manière par Jacques Probst, qui a eu l’idée intéressante de donner la parole à cette femme qui subit les pires supplices. Cela donne un texte assez cru, qui parle de choses qu’on ne veut souvent pas entendre, et qui permet de donner la parole à la victime.

Que contiennent de commun ces deux spectacles que vous proposez ?

L’oratorio part d’un personnage anonyme, «Anybody», qui comme son nom l’indique peut être n’importe qui, et qui interroge les deux figures historiques que sont Martin Luther King et Etty Hillesum. Au fur et à mesure, partant du monde contemporain de la finance, cet Anybody va chercher dans les témoignages des deux personnalités des pistes pour sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve.

Il s’agit de faire écho à la passion du Christ, c’est donc à la mort de Martin et Etty que le quidam trouvera dans ces vies l’exemplarité qu’il cherchait. La chanson finale l’illustre d’ailleurs bien: «peu importe la mort si l’amour est sauf.»

En ce qui concerne la pièce sur Aldjia, la parole est donnée en deux parties à cette femme qui a tant souffert. Elle peut ainsi raconter son histoire qui est terrible, ce qui, d’une certaine manière, lui permet de retrouver son identité. Permettre à la victime de s’exprimer, essayer de cheminer avec, nous confronter à la souffrance de l’autre, tels sont les objectifs de la pièce. C’est en cela sans doute que les deux spectacles se rejoignent et sont complémentaires.

En quoi votre activité de pasteur se marie-t-elle avec ces projets culturels?

Théâtre, musique et pastorat se rejoignent autour du mot « interprétation ». Cela fait plusieurs années que je me suis attelé à écrire et mettre en scène des pièces de théâtre d’inspiration biblique. J’ai suivi une formation en dramaturgie à l’Université de Lausanne afin d’acquérir des outils dans le domaine théâtral.

Comme pasteur, je suis passionné par l’interprétation du texte biblique, en cherchant quelle est sa pertinence pour aujourd’hui.

Les projets culturels me permettent d’ajouter une autre de mes passions à celle du théologien, en cherchant à interpeller le spectateur au travers d’histoires jouées ou chantées sur scène. Pour moi, ces différents projets culturels me permettent de proposer une nouvelle compréhension du message biblique, avec d’autres outils que celui de la seule prédication.

Matthieu Mégevand

  • L'oratorio «Passions» sera joué le vendredi 15 mars à 20h30 au Temple d'Yverdon-les-Bains, le samedi 16 mars à 20h30 auTemple de Morges et le dimanche 17 mars à 17h00 à l'Eglise catholique d'Echallens. Davantage d'infos sur le site «Passions».


  • La pièce de théâtre, «Aldjia, la femme divisée» sera jouée à l'Espace culturel des Terreaux, 
Rue de l'Ale 31, à 
Lausanne
 les jeudi 21 mars à 19h
00, le vendredi 22 mars à 20h00 et le samedi 23 mars à 20h00.
 A découvrir encore sur le site «Aldjia.

*Etty Hillesum

Esther «Etty» Hillesum est née le 15 janvier 1914 à Middelbourg, en Zélande, aux Pays-Bas et décédée le 30 novembre 1943 au camp de concentration d’Auschwitz en Pologne. Cette jeune femme juive est connue pour avoir, pendant la Seconde Guerre mondiale, tenu son journal intime (1941-1942) et écrit des lettres (1942-1943) depuis le camp de transit de Westerbork. (Source: Wikipédia)