Documentaire: Les frères Guillaume passent la nuit chez un Ours
« La première rencontre avec les résidents de la Tuile a été un vrai choc », raconte Sam Guillaume, qui s’attendait plus ou moins à tomber dans un repaire de délinquants et de toxicomanes.
« Ce sont les images qu’on associe habituellement aux asiles de nuit. Mais je me suis vite rendu compte que ce n’était pas du tout ça », explique le cinéaste, surpris de se retrouver face à des personnages si captivants et « dotés d’un tel humour ».
Cinéclub à la TuileTout commence il y a quatre ans, quand Fred Guillaume accomplit son service civil à la Tuile. Les résidents lui demandent alors de leur montrer Max & Co, qu’ils n’ont pas eu la possibilité de voir. Enthousiasmés par l’expérience, ils poussent Fred et son frère à mettre sur pied un petit cinéclub. Une quinzaine de projections sont organisées, « des histoires qui parlent de débrouille et de créativité (Western), de choix complexes et de vie parallèle (La vie des autres). »
Mais une fois pourtant, la proposition des cinéastes se révèle un désastre complet. Into the wild, cette histoire de jeune bourgeois qui abandonne tout pour se vivre dans le dénuement, soulève l’indignation générale. Surtout la scène où le personnage brûle son argent. « A ce moment-là, ils ont tous quitté leur place! » raconte Sam Guillaume.
De ces soirées passées avec les résidents, de ces itinéraires surprenants qui dévoilent autant de facettes de la précarité, les deux frères veulent résolument tirer quelque chose. Ils souhaitent « donner la parole à ces ‘exclus’ » et démonter si possible au passage quelques préjugés. C’est ainsi que nait le projet de La Nuit de l’Ours, un documentaire animé, où interviennent les témoignages des hôtes de la Tuile.
On s’approche du vingtième anniversaire de l’institution et rapidement plusieurs hautes écoles fribourgeoises sont associées au projet. Le film s’insère ainsi dans une démarche pédagogique, visant à fournir des outils aux futurs enseignants, travailleurs sociaux et membres du personnel soignant, pour aborder le thème de l’exclusion sociale.
L’Ours et ses principes« Ce documentaire n’a pas pour but d’expliquer l’exclusion », indique Sam Guillaume – et son ton le rapproche du reste plutôt du film d’animation. Il vise à ouvrir des pistes de réflexion, tout en utilisant une approche drôle et tendre à la fois, au plus près des personnages. Ceux-ci s’expriment avec leur voix, mais restent anonymes, représentés par des figures animées. Ce court-métrage (24’) est émaillé de leurs histoires attachantes et de leurs propos, qui prêtent souvent à rire ou à sourire.
Là résidait aussi l’un des défis du film, « trouver le ton approprié, en tirant vers la rigolade mais sans verser dans la moquerie ». C’est pourquoi les cinéastes ont régulièrement sollicité le regard des intervenants de l’institution. L’Ours du film est à leur image, « un personnage accueillant et bienveillant, mais qui ne se laisse pas non plus marcher sur les pieds ».
Les gens qui sollicitent son aide doivent respecter les lieux, condition indispensable pour assurer une vraie hospitalité. Les hôtes de l’Ours ne s’attardent pas non plus chez lui et ce n’est du reste pas le but de la maison. Un travail important est accompli dans le sens de la réintégration. Il obtient des succès plus qu’honorables, de l’avis de Fred, qui collabore encore régulièrement à la Tuile comme veilleur de nuit.
Première fribourgeoiseLa première du film La nuit de l'Ours a lieu le jeudi 27 septembre, à 17h, au cinéma Rex à Fribourg. Réservation indispensable: evenements@la-tuile.ch, ou via le site du film.
Le vingtième anniversaire de la Tuile s’accompagne de plusieurs événements, dont une exposition de photographies du 1er octobre au 10 novembre au café de l’Ancienne Gare à Fribourg; ainsi que du (désormais traditionnel) Festival de Soupes sur la place Python, du 14 au 25 décembre.La vie après Max&Co?
Max&Co était le premier long métrage réalisé par les frères Guillaume. « Il nous a apporté un bagage énorme », témoigne Sam, que ce soit en termes de contacts, d’expérience (erreurs comprises), ou de notoriété. « Car on nous associe désormais à ce film et on nous remet tout de suite, ce qui facilite les choses. »
Si le budget de cette oeuvre a beaucoup été thématisé par la presse suisse, au détriment d’autres aspects, cela ne semble pas avoir nui à la carrière du film à l’étranger – Max a été vendu dans une vingtaine de pays – ni à celle des frères Guillaume. Le duo mène plusieurs projets de front, dont la série Les bidules de Jules qui passe actuellement sur RTS Un et un long métrage de fantaisie en préparation.
La Nuit de l’Ours est leur premier documentaire et ils espèrent le voir tourner, notamment dans les écoles et à la télévision. Le prix Best Swiss récemment remporté au Festival Fantoche 2012 (Festival international de cinéma d’animation de Baden) devrait y contribuer. A.-S. M.