Ces sanctuaires qui nous fascinent
L’été passé, j’étais à Wittenberg et l’église de son château. Pour la première fois, je me trouvais devant la célébrissime Porte des thèses. C’est contre elle que Martin Luther apposait nonante-cinq thèses pour provoquer une dispute. L’enjeu pour l’époque était celui-ci: la vente des indulgences correspond-elle aux intentions de Jésus? Cet événement produisit une réforme théologique qui s’est répandue largement. Pour le pasteur réformé que je suis, ce face-à-face avec ce monument d’histoire est à marquer d’une pierre blanche. Mais bien que j’aie apprécié la visite, je n’ai rien perçu de particulier; aucune inspiration notoire ne m’a traversé. L’atmosphère du moment était terne, un ciel pluvieux plongeait sur une place de l’église déserte. Rien à voir avec l’effervescence suscitée par le geste audacieux du moine allemand.
Qu’attend-on au juste de ces rendez-vous avec nos sanctuaires chrétiens? Ne s’agit-il pas de bâtiments souvent ordinaires? Cela ne devrait pas nous surprendre. En effet, avant qu’un événement notoire leur donne de l’importance, ces lieux étaient sans relief particulier. Des églises et des villes sont devenues des lieux saints parce que, à un moment de son existence, une personne y a pris une décision fondamentale face à son Dieu. Les événements qui ont suivi ont été significatifs au point que de nombreux pèlerins parcourent aujourd’hui des dis- tances considérables pour les voir.
Le moment importe plus que l’endroit
Keith Miller, un auteur et conférencier américain du XXe siècle, rapporte la prédication de l’un de ses amis. Celui-ci évoquait les endroits propices à l’épanouissement de notre foi et à nos engagements. Il parlait de Moïse et de sa visitation devant un buisson qui brûlait sans pourtant se consumer, dans un coin de désert. A sa prédication, il avait donné ce titre: «N’importe quel buisson fera l’affaire». Il semble que les «lieux saints» potentiels ne se trouvent pas au sein de sites majestueux. Nos lieux saints émergent de circonstances imprévisibles telles que, parvenu·es au bout de nous-mêmes, nous nous tournons vers Dieu pour lui offrir notre cœur, résolument. C’est un ensemble de facteurs qui font naître un unique sanctuaire: un processus décisionnel engendre des actes importants... à un endroit probablement insignifiant.
Tout lieu où la foi prend vie peut représenter un sanctuaire chrétien, que ce soit un sentier, un évier de cuisine ou une chaise de bureau. Quand je considère ma propre trajectoire, je repense à deux moments clés de mon éclosion spirituelle. Lors du premier, je réalisais que je traçais mon petit bonhomme de chemin à côté du Royaume de Dieu; une douloureuse prise de conscience qui m’a amené à ma conversion au Christ. Lors du second, je me suis positionné à la suite du Seigneur, en abandonnant entre ses mains mes destinées affective et professionnelle. Le premier de ces moments avait pour contexte un bout de pâturage du Jura bernois; quant au second, il s’agissait d’une salle du Palais de Beaulieu à Lausanne. C’est tout vu, pas moyen d’en faire des spots de pèlerinage.