La santé abordée sur un plan spirituel
«L’idée principale de ma recherche est d’identifier la ou les théologies qui portent les croyants pendant la maladie et face à la mort», résume Mathieu Tchyombo. «Mon hypothèse, c’est qu’il n’existe pas une théologie, mais des théologies à ce sujet. C’est pour cette raison que je prévois des croisements à la fois entre confessions et entre Nord et Sud. Ensuite, il s’agit aussi d’identifier les théologies qui sont diffusées par les institutions religieuses ou médicales sur la santé», explique l’ancien ingénieur technicien en électronique industrielle. Sa reconversion professionnelle l’a mené à des activités sociales et religieuses au sein des Eglises protestantes de son pays, le Congo, aux bancs de la faculté de théologie et sciences des religions de l’Université de Lausanne, pour un master en théologie, puis enfin au CHUV, pour un certificat d’études avancées en accompagnement spirituel dans le milieu de la santé.
«Au CHUV, sur le mur d’un des amphithéâtres, il y a cette phrase d’Ambroise Paré: ‹Je le pansay, Dieu le guarist.› ( Je le pansai, Dieu le guérit.) Elle résume bien un rapport assez courant à la santé, dans lequel on reconnaît une grande importance aux soins médicaux, tout en admettant que cela n’explique pas tout. Lors de mes entretiens, plusieurs médecins ont évoqué des guérisons miraculeuses, vécues par eux-mêmes dans leur pratique, ou dont ils ont entendu parler», explique le chercheur.
Questions intimes
Si cette vision de la médecine est fréquente, il est profitable que les professionnels de la santé ne perdent pas de vue les autres théologies qu’ils peuvent être amenés à rencontrer: «Il peut y avoir des chrétiens qui sont dans le déni face à la mort, quand ils s’attendent à une guérison; d’autres peuvent vivre leur maladie comme une malédiction tombée sur eux ou sur leur famille. Ce type d’éléments va forcément avoir un impact sur leur rapport aux soins», résume-t-il. Et dans une société où les questions de foi sont perçues comme très personnelles, ces réalités ne sont pas forcément abordées dans une relation soignant-patient.
«Une chose qui m’a bien entendu marqué, c’est qu’en Afrique, lorsque l’on évoque la question des soins, très vite se pose la question des moyens pour se les procurer. Ainsi, des médecins, des infirmières et infirmiers m’ont dit que souvent, dans leur travail, ils devaient quitter leur rôle de soignants pour devenir assistants sociaux ou agir comme organisation d’aide.» Pratiquement, les recherches de Mathieu Tchyombo se basent sur des entretiens avec des patients et des professionnels, visant à identifier les valeurs sous-jacentes et les enjeux. «Je m’appuie sur la méthode dite de praxéologie théologique. J’ai malheureusement commencé mon travail de recherche en 2020 et avoir des entretiens avec des patients s’est avéré excessivement difficile à cause des mesures de protection contre la pandémie de Covid. J’ai donc pu mener un certain nombre d’entretiens au Congo, mais il m’en manque encore en Suisse romande. J’espère pouvoir terminer mon travail de terrain dans le courant de l’année 2024 pour pouvoir ensuite me mettre à la rédaction de ma thèse. La praxéologie théologique interprète les données des pratiques en examinant la conformité à l’Evangile et le contexte dans lequel elles sont produites. La mise en contexte se fait à l’aide des autres sciences, par exemple la sociologie et l’anthropologie, et, bien sûr, un travail sur les textes bibliques pour voir comment les théologies que j’aurai pu déceler entrent en écho avec le message chrétien.»
La thèse en bref
Titre provisoire: Théologies de la santé. Croisement entre catholiques, évangéliques et réformés. Et croisement Nord-Sud.
Recherche en cours à l’Institut lémanique de théologie pratique, sous la direction du professeur Olivier Bauer.