A l'origine du concept de martyre
Le 2e livre des Maccabées (2 M) est un texte en grec reconnu comme livre deutérocanonique* par les catholiques et ayant le statut de source historique pour les juifs et les protestants. Il est considéré contestataire par sa mise à l’avant-plan de personnages féminins et témoigne de la résistance judéenne contre l’hellénisation. Il présente, entre autres, diverses persécutions.
C’est au cœur du chapitre central, le seul entièrement consacré au martyre, que l’on retrouve la mère anonyme et ses sept fils. Il est question d’elle dans quinze versets, dont plusieurs où elle prend la parole. Elle dit: «Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés du souffle et de la vie et ce n’est pas moi qui ai agencé les éléments qui forment chacun de vous; voilà donc pourquoi le Créateur du monde, qui a réglé l’origine de l’homme et qui est à l’origine de tout, vous rendra à nouveau et le souffle et la vie dans Sa miséricorde, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour Ses lois» (2 M 22 - 23).
Cet enseignement sur la résurrection – le plus important discours anthropologique et théologique de tout le livre – forme l’argument ultime pour convaincre de mourir plutôt que de trahir sa foi. Grâce à lui, on comprend qu’il est possible de naître autant une seconde fois qu’une première, ce phénomène de recréation s’appuyant sur les miracles de la création et de la procréation. Seule une mère peut donc témoigner de la mystérieuse apparition de la vie dans son corps pour rendre crédible l’incroyable. Elle prend ainsi part à la naissance du martyre, ce type de résistance aux pouvoirs qui existe depuis que cette femme est considérée comme «une femme virile».
* Les livres deutérocanoniques ont été reconnus tardivement comme «bibliques». Le protestantisme et le judaïsme ne voient pas ces livres comme inspirés et les considèrent donc comme apocryphes.
Le message pour aujourd’hui
Cette femme donne une bonne leçon sur la résurrection. Elle enseigne aussi un certain type de courage. Il peut être compris comme un emportement contre les abus et les injustices. Mais aussi comme une colère vis-à-vis des limites imposées par les stéréotypes de genres nous empêchant de faire montre d’humanité laquelle est toujours à la fois féminine et masculine. Cette «femme virile» de l’antiquité, qui ose communiquer sa pensée, nous rappelle qu’être fidèle et en faveur de la liberté, c’est, en quelque sorte et de tout temps, une petite révolution. C’est néanmoins ce qui rend digne de mémoire ou transforme en exemple à suivre, qui vit, voire peut revivre, par l’imitation d’autrui.
Postérité
Avec ses sept fils, la mère dite Maccabée est considérée comme une des premières martyres de la chrétienté, et comme une sainte, sauf pour les protestants. Plusieurs chercheurs considèrent qu’elle est à la source des éléments récurrents des martyres au féminin
Le saviez-vous ?
La mère des sept fils est plus en colère que courageuse, puisque le mot thumos (2 M 7, 21), généralement ainsi traduit, correspond à la même émotion orageuse qui concerne les hommes violents et Dieu dans le livre. Or, sa colère virile ou humaine se distingue de celles dites bestiales des autres mortels et rejoint les colères divines, parce qu’en lien avec la justice et la vie.
L’anecdote
La mère, anonyme dans 2 M, a reçu différents noms avec le temps, tant dans les écrits talmudiques (Hannah, Myriam bat Tanhum ou bat Nantum) que dans des textes des Eglises grecque et syriaque (respectivement Solomone et Mart Simouni ou Shmouni).
L’auteure de cette page
Docteure en sciences des religions, Isabelle Lemelin est présentement stagiaire postdoctorale au Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation et professeure enseignante à l’Université du Québec à Montréal.
Photo: Caroline Thibault