La sexualité, au-delà des clichés bibliques
«Si on voulait suivre toutes les lois du Lévitique ou du Deutéronome, on aboutirait à des choses étonnantes!», note le pasteur Yvan Bourquin, surpris de l’importance que l’on accorde à certains textes au détriment d’autres, encore plus problématiques.
Co-auteur du livre L’accueil radical, qui prône une ouverture envers les personnes LGBTI, le pasteur est régulièrement confronté à des personnes qui souffrent de clichés liés à certains textes bibliques. Pour l’auteur, il est nécessaire de prendre de la distance par rapport à ces passages qui laissent à penser qu’ils condamnent l’homosexualité: «Si on relit attentivement le récit de Sodome et Gomorrhe, on constate que l’accent est principalement mis sur le viol et le non-respect des lois de l’hospitalité. Pour le pasteur, vouloir isoler tel ou tel verset pour définir une règle est une chose dangereuse. Une contextualisation est nécessaire.»
Codes de l'Antiquité
«Avant tout chose, il faut savoir que, dans l’Antiquité, la notion de sexualité est très éloignée de celle que l’on s’en fait aujourd’hui», note Andreas Dettwiler, professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie de Genève. Le terme même d’homosexualité est une invention du XIXe siècle. Il ne trouve pas d’équivalent dans le langage biblique, que cela soit en hébreu ou en grec.
«A l’époque, la sexualité était avant tout un reflet des structures sociales. L’homme libre devait être dominant et actif dans ses rapports, qu’ils soient hétéro ou homosexuels», ajoute le professeur. Selon lui, les relations d’égal à égal tels qu’on les conçoit aujourd’hui constituaient une exception. La sexualité était étroitement liée à des notions de domination, de soumission, d’appropriation, voire de violence.
Cette clé de lecture permet d’appréhender certains textes de manière différente. Dans les passages du Lévitique qui condamnent les relations entre deux hommes, c’est avant tout le rapport entre deux personnes de même statut social dont il est question (Lv 20,13 et 18,22). Le fait que l’un d’eux adopte une position inférieure relève d’une transgression des rôles inconcevable dans le monde antique.
L’un des textes les plus souvent utilisés pour justifier une condamnation de l’homosexualité se situe dans la lettre de Paul aux Romains (Rm 1,26-27). Un passage qu’il est primordial de contextualiser afin de ne pas tomber dans une interprétation hâtive. «Le texte s’inscrit dans un vaste discours sur le péché. Il traite avant tout d’une rupture face à la relation à Dieu», souligne Andreas Dettwiler. Pour le théologien, les pratiques sexuelles du monde gréco-romain sont considérées par Paul comme un vice proche de l’idolâtrie.
Ces mœurs n’échappent pas aux codes de l’Antiquité : une certaine élite se permettait une sexualité où les rapports de possession et de soumission étaient prédominants. Pour le théologien, il est également possible qu’en condamnant ces pratiques et en prônant l’abstinence, Paul incitait les chrétiens à se protéger des abus sexuels. Ceux-ci étaient en effet souvent issus de couches sociales inférieures. «A noter que les questionnements liés à l’orientation sexuelle n’apparaissent pas du tout dans les Evangiles», ajoute-t-il.
Plus qu’une question de chair
Pour le pasteur Yvan Bourquin, il est important de souligner que la question ne se limite pas au sexe: «Aujourd’hui, c’est avant tout une question d’amour. Je ne peux pas croire que Dieu condamne des personnes pour leurs sentiments.» Pour le pasteur, le véritable péché serait de ne pas s’accepter tel que l’on est.
La question des orientations sexuelles continue de susciter une certaine polémique dans le monde chrétien et l’apparente ouverture des Eglises réformées ne fait pas l’unanimité. Pour Andreas Dettwiler, il est important que les Eglises ne fassent pas «l’autruche» sur ce genre de sujet: «Un véritable travail éthique et théologique est nécessaire» Pour faire avancer le débat, le théologien est d’avis qu’il faut prendre en compte les différentes avancées de la recherche dans d’autres domaines tels que la psychologie afin de favoriser une approche interdisciplinaire de la question.
«Il faudrait accorder plus d’importance à d’autres textes de Paul, comme celui de l’Epître aux Galates», complète le pasteur Yvan Bourquin. Un passage stipule notamment qu’en Jésus-Christ, «il n’y a plus Juif ni Grec; ni esclave ni homme libre; il n’y a plus l’homme et la femme». Un texte qui peut suggérer que Dieu fait abstraction des orientations sexuelles.