Peut-on arrêter de se focaliser sur la notion de croissance économique?

Timothée Parrique / ©CC (by-sa) Skimel
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Timothée Parrique
©CC (by-sa) Skimel

Peut-on arrêter de se focaliser sur la notion de croissance économique?

Rock Star
La notion de croissance cristallise les interrogations. Le jeune chercheur Timothée Parrique fait partie de ceux qui pensent la décroissance.

«La croissance ne fait pas de différence entre ce qui est utile et ce qui est néfaste […]. Combien de choses produisons-nous et consommons-nous aujourd’hui dont nous n’avons pas besoin?» C’est une des nombreuses formules fortes du Français Timothée Parrique (35 ans), chercheur à l’Université de Lund (Suède).

En 2019, son doctorat sur l’économie politique de la décroissance a été téléchargé près de 50'000 fois. L’ouvrage qui vulgarise ce travail, Ralentir ou périr, L’économie de la décroissance (Seuil, 2022), a obtenu le Prix européen de l’essai en 2023. Lors de ses passages pour des conférences publiques – comme à l’Université de Genève en novembre dernier –, il remplit facilement les amphithéâtres. Ses formules-chocs, ses PowerPoint drôles et beaux, son style de vie (il adore le surf et la sieste) en font (toutes proportions gardées) une rock star de son domaine auprès des jeunes.

L'avis de BREF

BREF s’interroge sur la durabilité et essaye de construire un festival qui marque les participants au maximum avec le minimum d’impact environnemental. Concrètement, cela passe par exemple par une proposition de viande limitée, la provenance locale des produits, l’encouragement à l’utilisation des transports en commun et le fait de rendre visibles ces choix.

La force de ce jeune penseur? Une solide critique de la notion de croissance, devenue pour lui une idéologie. Sa critique est basée sur une vision positive: la nature humaine est davantage marquée par l’empathie que par la volonté de prédation, assure Parrique. Si les réquisitoires contre la croissance existent a minima depuis les années 1960, le chercheur a intégré les recherches écologiques récentes et démontre que la croissance n’est pas compatible avec la biocapacité, soit ce que peuvent fournir les écosystèmes terrestres pour se renouveler, les limites planétaires, et démonte l’idée d’une croissance «verte».

Timothée Parrique développe au contraire la notion de décroissance, «réduction de la production et de la consommation, pour alléger l’empreinte écologique, planifiée démocratiquement, dans un esprit de justice sociale et de bien-être». Voilà pour la théorie. Mais concrètement, comment y parvenir? C’est dans leurs dimensions opérationnelles que les thèses de Timothée Parrique sont moins précises. Le penseur indique, certes, qu’il ne prône pas une décroissance «générale et définitive», mais «sélective, organisée, maîtrisée, temporaire», le temps d’un retour «à une pleine santé sociale et écologique».

Pour y parvenir, il indique trois priorités. La première: lutter contre les incitations à consommer. La publicité est en effet sa bête noire, «parce qu’elle crée des besoins artificiels». Autre piste: développer des outils pour que les entreprises produisent moins (budgets carbone). Et enfin, accompagner ces changements, c’est-à-dire former les personnes qui perdraient leur emploi ou développer des trajets en train pour compenser les lignes aériennes fermées, par exemple. C’est peut-être la limite – ou l’horizon – la plus complexe de cette pensée: elle implique une démocratie participative, des coopératives ancrées, des territoires ou biorégions acteurs de leur avenir, etc. Bref, un système politique et social accepté, élaboré, efficace.

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«Le capitalisme en 5 minutes», par le média décalé Urbania.