Le sport, une religion?

Le Christ rédempteur avec le maillot de Pelé, photo prise fin 2023 à Rio de Janeiro pour le premier anniversaire de la mort de la légende du football. / © AFP/Mauro Pimentel
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Le Christ rédempteur avec le maillot de Pelé, photo prise fin 2023 à Rio de Janeiro pour le premier anniversaire de la mort de la légende du football.
© AFP/Mauro Pimentel

Le sport, une religion?

Conférence
Omniprésent dans les médias, le sport est presque devenu une religion. Face à cette concurrence, le christianisme doit-il montrer ses muscles? Le professeur Olivier Bauer a livré ses réflexions lors d’un «rendez-vous du jeudi».

Telle une icône moderne, Le Christ rédempteur endosse le maillot jaune et vert de Pelé. Projetée sur le mur de l’Auditorium Barbier-Mueller, l’image est forte. «Imaginez la même chose à Genève, avec les réformateurs portant les couleurs du Servette FC!» Olivier Bauer ose la comparaison. L’invité de ce premier rendez-vous du jeudi de l’année, la série de conférences données à la Maison de paroisse de Saint-Pierre, connaît son sujet de l’intérieur: il a été hockeyeur dans sa jeunesse et pratique encore le marathon. 

Professeur de théologie pratique à l’Université de Lausanne, il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages explorant les liens entre sport et théologie. Que l’on pense aux «Dieux du stade», ce calendrier de rugbymen dénudés, aux rituels de Rafael Nadal ou aux athlètes faisant le signe de croix sur la piste, les analogies entre ces deux mondes sont nombreuses. Après tout, un match de football ne ressemble-t-il pas à une messe, avec sa communion hebdomadaire, ses rituels, ses chants? Parfois, le sport devient même religion. Il donne un sens à l’existence et permet une relation à une transcendance. «Confrontés aux aléas d’une joute sportive, certains imaginent des forces supérieures qui décideraient des résultats. Pour se concilier leurs bonnes grâces, athlètes et supporters développent des rites, des prières, voire des sacrifices.» Alors, faut-il refuser cette forme de sport-religion proche parfois de l’idolâtrie?

Une relation compliquée

«La relation du christianisme à la force et aux muscles est compliquée, explique Olivier Bauer. Longtemps, corps et esprit étaient séparés. Le christianisme primitif préférait l’exercice de la piété à celui du sport, comme le montrent certaines lettres de Paul.» Au IIIe siècle, Tertullien juge les activités du stade «indignes de la vue. Et il faudra attendre les jésuites pour voir l’exercice physique réhabilité, avec l’idée d’un esprit sain dans un corps sain». Côté protestant, le sport est reconnu dès lors qu’il est vu comme rentable. Au milieu du XIXe siècle, en Angleterre, il est valorisé par la Muscular Christianity, une vision virile du christianisme qui veut attirer les jeunes hommes dans ses églises et qui a donné naissance aux salles de sport. Mais au final, que peut bien signifier faire du sport sa religion? Et quels seraient les fruits de cette religion? 

«Le sport est trop tribal pour que l’on puisse avoir confiance en lui», estime le théologien. Il exige de dénigrer les autres athlètes. Si l’on ne peut lui dénier une fonction cathartique, il exacerbe aussi les comportements violents. Sélectif, il élimine les plus faibles et ne récompense que la victoire. Parfois, cependant, il devient un exercice spirituel, comme chez ces nageurs qui parviennent à un état de pleine conscience lorsqu’ils parcourent une très longue distance. Et lorsque les athlètes manifestent leur appartenance religieuse, il arrive même que le sport devienne vecteur de la foi.

Les prochains Rendez-vous du jeudi 

Auditorium Barbier-Mueller (place du Bourg-de-Four 24), de 19h30 à 21h

20 mars: Solstices et symboles, les secrets de la cathédrale Saint-Pierre. Nathalie Muller Mirza. Visite guidée de la cathédrale dimanche 23 mars, à 12h
3 avril: Bach, maître spirituel avec Frère Alexis Helg. 
8 mai: L’amour sauvera le monde, de Michael Lonsdale.

Infos: www.saint-pierre.epg.ch