Albert Schweitzer, docteur universel

Albert Schweitzer / ©Nobel Foundation, Public domain, via Wikimedia Commons
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Albert Schweitzer
©Nobel Foundation, Public domain, via Wikimedia Commons

Albert Schweitzer, docteur universel

Vie sacrée
Prix Nobel de la paix en 1952, le pasteur Albert Schweitzer a su allier la théologie, la médecine et la musique en faveur du «respect de la vie».
Jamais je ne reconnaîtrai de différences de valeur entre les êtres vivants. Chaque vie est sacrée! Cela signifie qu’il n’y a rien au-dessus qui serait supérieur, comme on ne saurait ajouter aucune autre vitesse à la vitesse de la lumière.»
Albert Schweitzer (1875-1965)

Chaque soir, le petit Albert Schweitzer priait avec sa maman pour tous les humains. Mais, en secret, il ajoutait une prière pour tout ce qui respire… C’est du moins ce que raconte celui dont l’engagement sera récompensé en 1952 par le prix Nobel de la paix. Enfant déjà, le futur théologien et médecin était donc tourmenté par toutes les souffrances qui accablent les créatures, quelles qu’elles soient. Cette sensibilité l’amènera plus tard à la conclusion que l’éthique doit s’étendre à tous les êtres vivants, à la différence de la pensée européenne qui, selon lui, ne s’intéresse qu’aux comportements des hommes entre eux.

Mais cette nouvelle éthique, inspirée aussi par les sagesses orientales, Schweitzer ne se contente pas de la développer dans des livres ou du haut de la chaire: il veut la mettre personnellement en pratique, convaincu que l’exemple est le seul moyen d’influencer les autres. Voilà pourquoi le théologien protestant, né en 1875 en Alsace, d’abord pasteur à Strasbourg, se lance dans des études médicales.

Lambaréné, Gabon

Son objectif: créer un hôpital en Afrique. Ce sera à Lambaréné, au Gabon. En avril 1913, avec son épouse, Hélène Bresslau, il y fonde – de manière tout «improvisée», affirme-t-il – un village-hôpital. Il s’y installe définitivement à partir de 1924, ne retournant en Europe que pour y donner des concerts. Car cet esprit universel avait à son actif également une formation d’organiste, art dans lequel il excellait, au point qu’il soutenait son œuvre en Afrique avec les bénéfices de ses prestations musicales.

L’expérience lui fera forger une formule résumant l’ensemble de sa démarche, animée par l’indignation devant la souffrance: le «respect de la vie». Jusqu’à sa mort, en 1965, il ne cessera d’y inviter toute personne.

Ne pas faire de différence

A près de 90 ans, il écrivait: «J’appelle l’humanité à l’éthique du respect de la vie. Cette éthique ne fait pas de différence entre une vie ayant plus de valeur et une vie ayant moins de valeur, entre une vie supérieure et une vie inférieure. Car accepter ces différences de valeur entre les êtres vivants reviendrait à les juger selon la ressemblance plus ou moins grande de leur sensibilité à la nôtre. Et la conséquence de cette distinction est l’idée qu’il existe des vies sans valeur, dont la destruction ou la détérioration seraient permises. Selon les circonstances, on entendra par vie sans valeur tantôt des insectes, tantôt des peuples primitifs.»

Admiré tant par les adeptes de la théologie protestante libérale que par les amateurs de Jean-Sébastien Bach (qu’il interprétait à merveille), Albert Schweitzer apparaît à certains encore, par son action et sa pensée, comme un précurseur de l’action humanitaire, mais aussi de l’écologie, voire de l’antispécisme et du désarmement nucléaire.

De Jésus à la bombe atomique

Hormis son engagement médical, Albert Schweitzer a signé des ouvrages importants de théologie: en 1906, il publie Histoire des recherches sur la vie de Jésus et, 24 ans après, La Mystique de l’apôtre Paul, des travaux qui feront date dans les études sur le Nouveau Testament. Son éthique du respect de la vie l’amènera par ailleurs à alerter l’opinion sur le danger atomique. Dès le début des premiers tests de la bombe à hydrogène, en 1954, il s’engagera dans ce combat, dialoguant notamment avec Albert Einstein ou les présidents américains Eisenhower et Kennedy.