Sur les routes…

Sur les routes... / ©Mathieu Paillard
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Sur les routes...
©Mathieu Paillard

Sur les routes…

Rodolphe Nozière
24 avril 2024
Conte
Je me nomme Âadaro, je suis un jeune nain. Je ne suis pas d’ici, j’ai dû quitter mon pays et ma montagne avec ma famille pour échapper à la colère et aux flammes d’un puissant dragon.

Tout a commencé il y a cinq ans. Nous vivions heureux dans la cité d’Apad Aâdi, une grande ville souterraine sous le mont Gris. Ma famille travaillait au service du roi des nains, sous la montagne Barnro. Nous étions heureux. Nous passions nos journées, mes trois frères aînés, notre petite sœur et moi, à courir et à jouer sous les voûtes de pierre bâties par nos ancêtres. Parfois, nous accompagnions notre père dans sa forge ou dans les ateliers des orfèvres et tailleurs de pierres précieuses. C’était fantastique! L’un de mes frères les plus âgés avait commencé d’apprendre auprès des meilleurs artisans comment courber l’or et l’argent pour créer des bijoux.

Un matin, le vent se leva avec une force phénoménale. A la porte de la cité, on entendit d’abord le claquement violent des bannières, puis des bourrasques de poussière se mirent à tournoyer, une ombre immense passa au-dessus des champs et de la forêt… C’était lui! Le grand dragon était venu pour s’emparer des richesses des nains. Son souff le brûlant transforma la forêt en cendres. Il changea notre vallée autrefois verdoyante en un désert de feu, puis il s’attaqua aux portes de la ville. Elles ne résistèrent pas longtemps. Malgré la vaillance des nains guerriers, le dragon prit rapidement l’avantage et nous dûmes fuir pour échapper à l’incendie et au dragon.

Ma famille, comme beaucoup d’autres familles de nains, s’est alors retrouvée sur les routes. Nous n’avions plus rien: que de maigres bagages et peu de nourriture.

Nous sommes allés demander du secours aux royaumes les plus proches, mais ceux-ci n’ont pas voulu nous accueillir. Nous sommes alors partis plus au sud vers les villages et les villes des hommes. Mais là aussi, nous n’avons pas été très bien reçus. On nous regardait de travers, on nous insultait, même si parfois quelques personnes charitables nous aidaient un peu.

Au bout de quelques semaines à errer en direction de l’ouest, nous sommes arrivés dans un village d’humains. Nous y avons retrouvé d’autres nains qui avaient, comme nous, quitté Apad Aâdi ou qui étaient installés dans cette ville depuis plus longtemps.

Mon père retrouva très difcilement un travail à la forge du village. Bien qu’il fût un artisan célèbre parmi les nains, il dut recommencer au bas de l’échelle: il forgea des pelles, des pioches, des fers pour les chevaux. Mon frère aîné ne trouva pas de travail chez un orfèvre. Personne ne voulait d’un nain pour assembler des bijoux! Il devint palefrenier dans une écurie. Quant à ma mère, elle restait à la maison pour cultiver avec nous, les enfants les plus jeunes, le petit bout de jardin de la petite maison que nous avions pu louer dans ce village.

Même si la population était mixte, nous, les nains, nous n’étions pas les bienvenus. L’accès à la taverne ou à certains endroits nous était interdit. Nous venions d’une cité longtemps connue pour être riche et puissante, mais, depuis sa ruine, nous n’étions considérés que comme des vagabonds, à peine bons à réaliser les tâches pénibles que les hommes refusaient d’accomplir, à la forge, aux écuries, à la mine…

Librement inspiré du Hobbit, J. R. R. Tolkien