Les miracles ne sont pas une fin en soi
«J’aime bien la définition du miracle dans le Petit Larousse: ‹Phénomène interprété comme une intervention divine›», reconnaît le pasteur Gérard Pella, membre du Rassemblement pour un renouveau réformé, en insistant sur le mot «interprété». «Un miracle, c’est un signe.» Il note toutefois que «dans ma famille théologique, les miracles ne sont pas que des symboles».
Pasteur de la paroisse de Rondchâtel, en dessus de Bienne, Gilles Bourquin se refuse lui aussi à nier toute possibilité d’un événement surnaturel: « Dire que c’est purement symbolique, c’est un peu triste. J’admets qu’il y a une part qui m’échappe. Cela confère indéniablement une autorité à Dieu, à Jésus.» Le pasteur prévient toutefois: «La façon dont nous imaginons la signification du ‹miracle› est aussi marquée par notre culture. On a un peu radicalisé cette notion depuis les Lumières et une certaine conception de la science moderne», explique-t-il. «On définit le miracle comme ce qui contredit les lois physiques, mais dans le domaine de la biologie et des neurosciences, la limite est pour ainsi dire impossible à définir exactement.» Il ajoute: «‹Miracle› a pourtant deux sens: celui d’un événement qui ne s’explique pas et celui d’un événement qui nous a procuré beaucoup de plaisir. Ne dit-on pas d’un nouvel album que l’on a eu beaucoup de plaisir à écouter que ‹c’est un miracle›? Et je pense que pour les auteurs antiques ces deux notions n’étaient pas aussi différenciées qu’elles le sont pour nous.»
Il faut plus que cela
«Le danger, c’est de regarder le doigt quand on nous montre la lune: c’est de passer à côté du sens du miracle. Chaque miracle nous dit quelque chose de la puissance de Dieu et de sa compassion pour l’humanité», prévient Gérard Pella. Dans le cours qu’il donne actuellement à Lignerolle, le pasteur vaudois Joël Guy explique d’ailleurs que «tous les miracles racontés dans le Nouveau Testament doivent être lus, reçus et compris à partir du miracle majeur de la résurrection du Christ. Ils ne sont donc pas compréhensibles autrement que par le prisme de la foi. Ils ont une valeur seconde, ce qui ne veut pas dire secondaire. Ils ne sont pas sans importance, car souvent, Jésus lui-même ne reçoit pas favorablement la demande de miracles de ses auditeurs».
Jésus réhabilite
«L’abondance de signes miraculeux et de miracles tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament nous joue un mauvais tour. Jésus fait tellement de miracles que l’on ne voit pas comment le suivre dans ce domaine: en restant prisonnier d’une lecture miraculeuse de la Bible, on risque des déceptions», note Gilles Bourquin. «Je préfère voir dans les récits de miracles ce qui peut m’en rapprocher. Chaque fois, Jésus demande aux gens s’ils veulent être guéris et il les implique dans leur guérison. Il réhabilite la personne dans sa valeur: son rôle de psychologue est là tout aussi important que le miracle accompli.»
Une intervention divine parmi d’autres
«Il ne faut pas oublier que, dans la Bible, le miracle n’est de loin pas la seule manière dont Dieu intervient dans le monde.» Gilles Bourquin énumère: «Nous pouvons croire que Dieu a créé la réalité telle que nous la vivons; il y a ce qu’on appelle ‹la providence›: la foi dans le fait que l’histoire humaine et notre propre histoire sont inspirées ou conduites par Dieu; la Bible nous parle aussi de coïncidences, que l’on interprète comme des signes ou des inspirations sans qu’il s’agisse de faits surnaturels; enfin, Dieu intervient au travers de la révélation, par exemple lorsqu’on lit un texte biblique et qu’on y voit un sens spirituel, un caractère de Dieu que l’on ignorait: alors on perçoit également la réalité divine.»
«Dans Ces miracles qui nous dérangent (Ed. du Moulin, 1986), Alphonse Maillot parle des miracles comme de ‹la signature de Dieu›», glisse Gérard Pella. «En quarante ans de ministère, je n’en ai vécu que deux, mais cela nous a fortement touchés!»