Quand la Suisse vit à crédit

Sébastien Humbert, ingénieur en environnement et expert en bilan écologique chez Quantis, cabinet de conseil en développement durable. / © Quantis
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Sébastien Humbert, ingénieur en environnement et expert en bilan écologique chez Quantis, cabinet de conseil en développement durable.
© Quantis

Quand la Suisse vit à crédit

Propos recueillis par Nathalie Ogi
3 mai 2022
Sébastien Humbert
Le 11 mai, la Suisse atteint la quantité maximale de ressources qu’elle peut consommer pour respecter les limites planétaires. Explications de ce concept par Sébastien Humbert, ingénieur en environnement et expert en bilan écologique.

A quoi sert le concept de jour du dépassement?

C’est un concept pédagogique. Au niveau mondial, ce jour est fixé en juillet. Il correspond au jour où l’humanité aura utilisé autant de ressources biologiques que ce que la Terre peut régénérer en une année. Pour la Suisse, en 2022, cette date tombe selon les calculs au mois de mai. Cela signifie que l’on consomme nos ressources trois fois plus vite que ce que la planète peut supporter. Pour être durables, nous devrions entrer en hibernation à partir de mi-mai et jusqu’au 31 décembre.

Toutes les ressources sont surexploitées: l’eau, l’air, la forêt, les terres agricoles, les poissons

Que comporte ce concept?

Il tient compte de la surexploitation des terrains agricoles, de la surpêche dans les océans, de la déforestation, de nos émissions de gaz à effet de serre issues de la combustion des énergies fossiles. Depuis les années 1970, la date du dépassement n’a cessé d’avancer du fait de la croissance de la consommation. Elle était fixée à la fin décembre et avait avancé de trois mois dans les années 1990, pour arriver à l’été dès 2020.

Comment cette date est-elle calculée?

Des dizaines de paramètres sont pris en compte : type de logement, alimentation, transports… Les chiffres varient en fonction des indicateurs des instituts qui les calculent, dont le plus connu est le Global Footprint Network. Ils se basent sur les données fournies par l’International Energy Agency, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ou le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). En Suisse, ce sont des bureaux de consultants et des instituts comme Ecoinvent qui sont la source principale de ces données.

Existe-t-il plusieurs manières de mesurer ce jour du dépassement?

En Suisse, on prend en considération les impacts produits dans le pays, ou à l’étranger. Les chiffres disent ainsi que la Suisse émet six tonnes de CO2 par personne et que chaque Suisse émet 14 tonnes de CO2 par an si l’on prend en compte les émissions engendrées à l’étranger (importation de nourriture, d’objets, vacances, etc.). Chaque année, les calculs sont mis à jour. Les chiffres varient selon le mode d’évaluation et les données prises en compte, les ressources pures ou la pollution.

Que peuvent faire des particuliers? Peut-on soi-même calculer son budget carbone?

Des calculateurs en ligne permettent d’estimer son budget carbone. Notre empreinte environnementale est dominée par les déplacements en voiture, en avion, le chauffage des logements ainsi que notre consommation de viande. Il ne faut pas se tromper de priorité. Un seul trajet Genève-Bruxelles annule tous les bénéfices engendrés par le recyclage de 3000 bouteilles en plastique sur plusieurs années.

Quelles sont les limites de ce concept?

L’incertitude. Comment calculer les limites de la planète? On est obligé de se donner des limites subjectives et de faire des calculs qui partent du principe que l’on maintient le niveau de vie actuel. Toutes les ressources sont surexploitées: l’eau, l’air, la forêt, les terres agricoles, les poissons. Les scientifiques le disaient déjà il y a vingt ans. La bonne nouvelle, c’est que le grand public en a finalement pris conscience et que le concept de dépassement en émission de CO2 est désormais bien connu.

Economiser nos ressources

Dans sa campagne «Justice climatique», l’EPER/Pain pour le prochain met l’accent sur la nécessaire économie de notre énergie.

Infos : www.voir-et-agir.ch.