La communion en mode livraison à domicile

Le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe Kirill lors de sa tournée du 3 avril 2020, pour délivrer les sacrements à domicile. / Keystone
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Le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe Kirill lors de sa tournée du 3 avril 2020, pour délivrer les sacrements à domicile.
Keystone

La communion en mode livraison à domicile

Celia Evenson, Moscou
15 mai 2020
En Russie, comme ailleurs, la pratique des Églises a été chamboulée par l’épidémie du coronavirus. Si toutes se sont mises en ligne pour leurs prédications et études bibliques, la question de la communion est largement différente selon les confessions, soit luthérienne, orthodoxe et évangélique. 2/2

Face au covid, les Églises russes se sont toutes mises en ligne. Le pasteur Dmitry Lavrov, directeur de la radio chrétienne TWR et conseiller du président de la Communauté des chrétiens évangéliques de Russie note d’ailleurs que celles-ci «se sont adaptées relativement rapidement».

S’agissant des luthériens, «on est passé à l’étude biblique en ligne, à la cure d’âme en ligne», formule la pasteure Elena Bondarenko de la cathédrale luthérienne Pierre-et-Paul à Moscou, également doyenne de la circonscription ecclésiastique de la Russie centrale pour l’Église évangélique luthérienne de Russie. Et de souligner: «Mais toutes ces mesures sont justifiées». Sa paroisse propose «une retransmission en direct des cultes de la cathédrale, ainsi qu’un culte en français sur Skype, puisque la cathédrale accueille une communauté francophone», détaille-t-elle.

Stahij Kolotvin est prêtre de l’Église orthodoxe russe pour la jeune paroisse de L’Élévation de la croix à Mitino, dans la banlieue de Moscou. Il explique que les offices ont maintenant lieu à huis clos avec un nombre réduit de servants de messe – pour faire des économies, crise oblige, puisqu’ils sont rémunérés. Pour l’image vidéo, l’équipe a réorienté  la caméra de surveillance. Pour la partie de l’office célébrée derrière l’autel, le prêtre se filme lui-même.  Le tout est retransmis en ligne. Les enfants de ses paroissiens âgés les ont aidés à se connecter sur leurs smartphones.

Le prêtre trouve que cette nouvelle formule lui permet d’être moins dispersé. «D’habitude, pendant l’office, il faut aussi entendre les confessions», explique-t-il. Il est aussi plus concentré, car il sait que ses gestes  sont observés de près.

Quid des sacrements?

Pour ce qui est des sacrements, en revanche, les confessions ont fait des choix différents. «Les sacrements ne sont possibles qu’en régime réel», souligne la pasteure luthérienne. «Tout le monde attend le moment où la sainte communion sera de nouveau possible, de même pour le baptême.»

Si certaines dénominations protestantes historiques ont renoncé à la sainte Cène à distance, la majorité des évangéliques propose une version en ligne: «C’est une mesure imposée, temporaire. Cela a lieu avec la prière du pasteur, seulement celui-ci ne touche pas le pain. Les gens le font à la maison.» Pourraient-ils eux-mêmes prendre la Cène chez eux sans pasteurs? «Non, si la possibilité existe de la prendre présidée par un pasteur et en assemblée, ce ne serait pas acceptable de faire ça dans son coin», tranche Dmitry Lavrov.

Les prêtres orthodoxes, quant à eux, apportent la communion aux paroissiens qui en font la demande, en respectant tous les gestes barrières. Un prêtre masqué et ganté offre les éléments aux paroissiens au pied de leur immeuble, lors d’une tournée effectuée en voiture avec l’assistance d’un bénévole.

Augmentation des besoins

Les mariages ont été reportés, d’autant plus que le bureau des mariages civils est fermé. Dans les hôpitaux, n’importe quel chrétien peut baptiser un bébé malade, et il y a toujours des orthodoxes dans les services, précise le père Stahij. Pour les enterrements, pas plus de cinq proches et un ministre des cultes peuvent se rassembler. «Souvent, ce nombre n’est même pas atteint, car les  personnes âgées, qui viendraient enterrer leurs amis, doivent rester chez elles», rapporte-t-il.

D’après lui, le passage aux activités d'Église en numérique a permis d’augmenter leur fréquentation. «Si vingt personnes venaient à l’heure d’étude de la Bible avant, maintenant sur Zoom, on en voit trente», se réjouit le prêtre.

«Au tout début du confinement, il y a eu un intérêt accru pour les questions spirituelles, et nous avons répondu à cette demande en écrivant aux paroissiens et en échangeant avec eux en ligne. Maintenant, l'intérêt s’est stabilisé», constate Elena Bondarenko. «Il y a plus de monde à l’étude biblique en ligne et plus d’intérêt également pour le recueil de cantiques luthérien. Comme il est absent des cultes en ligne, nous envoyons les textes à l’avance.»

Dans la société en général, «les gens sont devenus plus sensibles aux questions spirituelles. On observe une hausse des demandes de renseignement sur la foi chrétienne et sur le Christ», note également Dmitry Lavrov.

Les Églises se sont organisées pour aider leurs paroissiens dans le besoin, ou même plus largement, en faisant les courses pour des personnes âgées, par exemple. Un pasteur de la cathédrale Pierre-et-Paul, médecin de formation, est retourné à l’hôpital  lutter contre le coronavirus.

Il n’est pour l’heure pas encore question que les offices reprennent, étant donné que les rassemblements de plus de 50 personnes restent interdits, mais les Églises se préparent déjà à l’après-confinement», émet Elena Bondarenko. Chez les luthériens, «le plus probable, c’est que les premières célébrations se dérouleront en présence d’un nombre limité de paroissiens, pour réduire le danger au maximum», estime-t-elle. 

Entre ressourcement et peurs

Le bilan du Covid-19 n’est pas uniquement négatif du point de vue des ministres de culte. «Pour moi, personnellement, cette période de confinement a été un temps de réflexion, de repos et de recherche de nouveaux thèmes d’actualité, qui pourront être utilisés dans de futures prédications et dans mon travail», confie la pasteure luthérienne.

Malgré les encouragements reçus à travers l’investissement des paroissiens, l’épidémie reste un temps d’épreuve. Le père, la mère et la sœur du père Stahij sont tous malades du Covid-19. Et puis, confie-t-il, «les gens me manquent». La prière en commun lors des offices tout particulièrement. «En m'appuyant sur la prière commune, j’ai plus de facilité à prier», reconnaît-t-il.

«Le plus effrayant, c’est la raison pour laquelle nous avons eu cette pause dans notre emploi du temps. L’ombre de la pandémie se projette sur tout», déplore la luthérienne. «Pour moi personnellement, c’est un temps très difficile. J’ai peur pour mes proches et pour nos paroissiens, pour nos collaborateurs en général, pour notre ville et notre pays. J’ai hâte qu’un vaccin et de la clarté apparaissent quant au développement de la maladie!»