Les galériens du Roi-Soleil

Michel Grandjean, professeur honoraire en histoire du christianisme à l’Université de Genève / ©DR
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Michel Grandjean, professeur honoraire en histoire du christianisme à l’Université de Genève
©DR

Les galériens du Roi-Soleil

Conférence
Du temps de Louis XIV, des protestants français ont été envoyés aux galères parce qu’ils refusaient d’abjurer leur foi. L’historien Michel Grandjean racontera leur histoire, le 7 septembre, lors d’une conférence à l’Auditoire Calvin.

Comment avez-vous choisi le thème de cette conférence organisée dans le cadre des Journées européennes du patrimoine?

Il m’a été proposé. C’est très émouvant pour moi puisque c’est un sujet que j’ai étudié il y a une quarantaine d’années et qui a fait l’objet de mon mémoire de licence!

Ces galères sont peu connues. Qu’est-ce que c’était?

Louis XIV a eu une quarantaine de galères, la plupart basées à Marseille, avec environ 200 rameurs par bateau. Les trois quarts étaient des forçats – des vagabonds, des mendiants, des personnes ayant volé de quoi manger sur les marchés – envoyés là plutôt qu’au bagne. Qu’importe la peine à laquelle ils avaient été condamnés, ils n’étaient souvent libérés qu’une fois devenus trop vieux, faibles ou malades. Les autres étaient des esclaves généralement turcs ou berbères. Les galères étaient une sorte de camp de concentration de l’époque préindustrielle. On retrouve, en effet, un certain nombre de points communs avec les camps de concentration du siècle dernier: le travail forcé, la promiscuité, l’absence de soins, le mépris envers les prisonniers, dont beaucoup sont morts faute de soins.

A quoi servaient-elles?

Elles existaient avant tout pour assurer le prestige du Roi-Soleil puisque leur utilité et leur efficacité étaient peu convaincantes lors des batailles navales.

De nombreux protestants français ont été envoyés aux galères en raison de leur foi…

Oui, entre 200 et 300 d’entre eux ont été traités comme des prisonniers d’opinion après la révocation de l’Edit de Nantes. En faire des galériens était une façon de faire pression sur eux en leur disant qu’ils seraient libérés s’ils abjuraient leur foi. Ce qu’ils n’ont pas fait malgré la cruauté de la vie quotidienne sur les galères, où ils étaient très mal nourris, où l’hygiène était inexistante, la vermine omniprésente et où les épidémies étaient quasiment fatales. Pour gagner Marseille, on les faisait marcher enchaînés les uns aux autres par le cou. Si l’on ajoute à tout cela la menace constante des bastonnades, c’est-à-dire des coups de fouet jusqu’à la perte de connaissance, on comprend que l’on ait parlé des galères comme d’un enfer.

Reçus comme des héros à Genève

Les protestants ont-ils reçu un traitement particulier?

Ils ont pu compter sur un réseau, grâce entre autres à des marchands suisses en poste à Lyon et à Marseille qui ont aidé à leur faire parvenir de l’argent réuni notamment à Genève par des banquiers et des professeurs de l’Académie. Les galériens le répartissaient entre eux. Ils achetaient de quoi manger et du papier pour envoyer des lettres qui leur permettaient de rester en contact avec leurs frères dans la foi. Ils ont éveillé la sympathie et l’admiration des huguenots réfugiés en Suisse, en Allemagne et en Hollande. Beaucoup sont morts sur les galères, quelques-uns ont été libérés en raison de leur âge. En 1713, Louis XIV, sous pression diplomatique, a accepté de rendre leur liberté à 100-150 galériens protestants qui avaient refusé d’abjurer leur foi. Ces derniers ont été reçus comme des héros à Genève.

C’est notamment le cas d’un certain Jean Marteilhe?

Oui, le natif de Bergerac, dans le Périgord, a raconté ce qu’il a vécu sur les galères à son arrivée à Genève après sa libération, avant de s’établir aux Pays-Bas. Durant la conférence, des extraits émouvants de son autobiographie, Mémoires d’un galérien du Roi-Soleil, seront d’ailleurs lus par un comédien.

Côté pratique

Samedi 7 septembre, à 15h30, à l’Auditoire Calvin (place de la Taconnerie 1). Sans inscription. La conférence (tout public) sera suivie d’un apéritif offert.

Plus d’informations sur www.epg.ch.

Pour aller plus loin

Mémoires d’un galérien du Roi-Soleil, par Jean Marteilhe.

Mémoires d'un galérien du Roi-Soleil