L’Eglise naissante: une dynamique à revisiter
Vous publiez un livre sur la naissance de l’Eglise. Y revenir, quand l’institution semble manquer de repères, permet-il de lui redonner son ancrage?
L’historien Henri-Irénée Marrou nous l’a appris: l’Histoire n’échappe pas aux préoccupations du moment… Mon livre ne fait pas exception. Mais cette remontée aux sources de l’Eglise ne constitue pas un remède prêt à l’emploi! La distance historique et culturelle qui nous sépare des premières communautés interdit tout désir d’immédiateté.
Reste toutefois la définition même que les croyants en Jésus ont donné de l’Eglise: celle d’une réalité hybride, située à l’interface de la convocation par Dieu et des revendications du réel. Cette définition que j’emprunte aux théologiens André Birmelé et François Vouga autorise à radiographier les formes et les pratiques ecclésiales alors imaginées, pour en découvrir la créativité théologique. Jamais la revendication transcendante au fondement de la foi n’a cédé face aux sirènes du conformisme politique ou culturel : de ce point de vue, les ecclésiologies chrétiennes anciennes sont des sources d’inspiration, non dans les réponses données, mais dans leur gestion des problèmes rencontrés.
Le sujet a déjà fait l’objet de nombreux travaux… Quel est l’objectif propre de votre livre?
Attention à l’illusion d’optique: si le champ de l’histoire du christianisme a été profondément labouré dans la recherche, la genèse et le développement de l’Eglise comme organisation sociale n’ont guère eu la cote.
En tradition protestante, à plus forte raison. La raison? Un préjugé tenace: l’idée que l’Eglise serait une déviation coupable – de nature catholicisante et institutionnelle – face à la «spiritualité du cœur» enseignée par l’homme de Nazareth. Face à ce désamour pour l’ecclésiologie, mon livre renoue avec certains travaux majeurs mais trop rares…
Comment «redéployer l’Evangile» aujourd’hui, à la lumière de vos recherches?
L’entreprise d’innovation ecclésiale qui caractérise les origines chrétiennes impressionne non seulement par son dynamisme en contexte, mais aussi par la diversité des ressources qu’elle investit de manière toujours renouvelée. La catégorie du Royaume, le message de la justification, le modèle de la maisonnée en sont trois exemples : à la suite d’autres, mon livre en expose un panorama. Aux Eglises de revisiter ce trésor de spiritualité, si elles veulent dire la valeur ajoutée de l’Evangile pour aujourd’hui!
Pour aller plus loin
Simon Butticaz, Comment l’Eglise est-elle née?, Labor et Fides 2021, 279 p.