Un pasteur américain accusé de terrorisme chrétien en Turquie

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Un pasteur américain accusé de terrorisme chrétien en Turquie

27 mars 2018
Un pasteur Andrew Brunson est accusé d’avoir partagé sa foi dans le but de diviser la population turque. Le gouvernement veut en faire une monnaie d’échange avec les États-Unis pour obtenir l’extradition du supposé inspirateur de la tentative de coup d’État de 2016. (Yonat Shimron, RNS/Protestinter)

Le mois prochain, un pasteur originaire de Caroline du Nord sera présenté devant une cour turque. Il est accusé de complot terroriste en se servant du christianisme. C’est ce qui ressort de l’acte d’accusation émis la semaine dernière par un tribunal à l’encontre d’Andrew Brunson, 50 ans. Le gouvernement turc l’a emprisonné depuis un an et demi. Ce natif de Black Mountain, une petite ville de l’ouest de la Caroline du Nord vit et travaille en Turquie depuis près de 25 ans. Il risque une peine privative de liberté de 35 ans.

Plus spécifiquement, les procureurs turcs l’accusent de deux crimes: appartenance à une organisation terroriste armée et espionnage militaire. «Les juges ont assimilé le christianisme au terrorisme», dénonce CeCe Heil, conseillère juridique responsable au Centre américain pour la loi et la justice et avocate américaine d’Andrew Brunson. CeCe Heil s’excuse de ne pas pouvoir transmettre l’acte d’accusation que son bureau a traduit du turc, mais elle explique que son client est accusé d’être «un agent de guerre non conventionnelle se faisant passer pour un pasteur évangélique.» Le document précise également que l’accusé «a fait progresser les objectifs de groupes considérés par le gouvernement turc comme des organisations terroristes armées en se servant de l’évangélisation pour diviser la population turque en diffusant des croyances religieuses et sectaires.» L’audience d’Andrew Brunson devant la cour devrait avoir lieu le 16 avril. Cem Halavert, son avocat turc, le représentera, explique CeCe Heil.

La Turquie, dont 99% de la population est de confession musulmane, a intensifié sa lutte contre les opposants au régime et autres groupes perçus comme tels, depuis une tentative de coup d’État en 2016. Le président turc Recep Tayyip Erdogan accuse l’intellectuel musulman basé aux États-Unis Fethullah Gülen d’être l’inspirateur de ce coup d’État. Il a proposé à Washington de libérer Andrew Brunson en échange de l’extradition vers la Turquie de Fethullah Gülen. «Donnez-nous Gülen, et nous jugerons Brunson et vous le renverrons», a déclaré l’an passé Recep Tayyip Erdogan, selon l’agence AP. «Il n’est qu’un pion dans un sale jeu diplomatique que la Turquie joue avec les États-Unis», dénonce Kristina Arriaga, vice présidente de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale. Elle a été l’une des deux membres de cette commission à rencontrer Andrew Brunson en prison en octobre. Elle a alors déclaré qu’il avait perdu plus de 20kg et qu’il n’était pas autorisé à quitter sa cellule sauf lorsqu’il avait des visites.

Andrew Brunson est pasteur de l’Église de la résurrection à Izmir sur la côte Turque de la mer Égée. Un ministère qui dépend de l’Église évangélique presbytérienne. Il est marié et père de trois enfants. Andrew Brunson et sa femme ont d’abord été détenus, car ils étaient considérés comme des menaces pour la sécurité nationale. Ce n’est qu’au bout de deux mois, qu’il a été accusé d’appartenance à une organisation terroriste armée. En août 2017, il a été accusé de tentative de renversement du gouvernement, tentative de renversement de l’ordre constitutionnel, de trahison et de tentative d’entrave à l’Assemblée nationale et à l’armée. L’acte d’accusation rendu la semaine passée ne cite toutefois que deux charges: appartenance à une organisation terroriste armée et espionnage militaire.

«Erdogan veut montrer qu’il est un homme fort en campant sur ses positions pour montrer aux États-Unis qu’il a du pouvoir», analyse Kristina Arriaga. «Mais en réalité, ce n’est qu’une brute qui s’acharne sur Andrew Brunson, exactement comme un caïd dans une cour de récréation tyranniserait un élève innocent, juste pour montrer qui commande. C’est méprisable.»