Quelles spécificités des lieux protestants?
Dans le nord de l’Alsace, au sein d’un petit village plein d’histoire, de grès rose et de maisons à colombages, se dresse un vaste château du XVIIIe siècle avec son grand parc. C’est ici que les EUL, mouvement de jeunesse protestant, accueillent une fois par an une retraite de Pâques, ouverte aux familles. «L’idée, c’est de proposer un temps pour soi, à l’écart des sollicitations du monde», explique la pasteure Barbara Siéwé, responsable des lieux. Les trois jours sont rythmés par des temps spirituels ou d’intériorité (chemin de croix, dans la nature environnante, prières). Pas question cependant de silence intégral ou d’exploration personnelle uniquement! «Il y a du temps pour soi, mais c’est aussi un vécu fort de communauté», précise la pasteure.
Cette pause pascale est nourrie par une ou un intervenant, les échanges et partages sont donc nombreux. «On a eu un juriste spécialiste de l’écologie relationnelle, des intervenants sur la non-violence, sur les liens entre fois juive et chrétienne. Ce sont des enseignants, des pasteurs – mais le thème n’est pas toujours lié au christianisme», détaille Barbara Siéwé. Aucune obligation de prendre part aux échanges ou temps spirituels n’est faite aux participants. Au fil des années, la responsable observe cependant que «les gens ont moins besoin de parole, de contenu, de prédication que de prières au rythme des chants de Taizé, de respiration, de silence, de musique… une sorte de rapport à la beauté et à l’émerveillement». Et de repos, tout simplement. «Pendant les temps libres, certains vont simplement dormir: ils sont épuisés d’un rythme de vie trop soutenu.»
Selon la pasteure, «qu’une jeune de 30 ans se mobilise pour une retraite de trois jours, et n’ait besoin sur cette durée que d’un temps spirituel d’une heure, c’est peut-être largement suffisant»! Les jeunes adultes viennent aussi simplement pour se retrouver et échanger. Mais si cette retraite ne désemplit pas, Barbara Siéwé observe des participations en pointillé: «Les gens ont du mal à se dégager de leurs engagements pour trois jours complets, ils sont aussi souvent investis en paroisse.» Ces dernières années, les demandes d’écoute et de suivi individuel sont importantes.
Le silence accompagné
Une réalité qu’observe également sœur Embla, responsable de l’accueil dans la communauté de Grandchamp, sur les rives du lac de Neuchâtel. «En dehors des sessions que nous organisons pour des groupes, les personnes viennent beaucoup pour des temps de retraite personnelle. Nous leur accordons toujours la possibilité d’être accompagnées individuellement, si elles le souhaitent.» Et ces entretiens peuvent se révéler importants pour des hôtes en recherche spirituelle profonde, mais ne parvenant pas à étancher leur soif dans les paroisses classiques, ou aux prises avec un tournant dans leur existence.
Dans leur accueil, ces sœurs font le choix de ne pas tenir leurs hôtes à distance de leur vie: elles partagent concrètement leur table avec les retraitants, et dans la chapelle, pas de division nette entre la communauté et les visiteurs. Une absence de clôture qui découle de l’histoire du lieu, précise sœur Embla: «Grandchamp, dans les années 1930, était un lieu choisi par quelques femmes protestantes pour y tenir des retraites silencieuses. Cela n’existait pas dans les Eglises réformées de l’époque. Et la communauté est née ensuite, sur la base de cet accueil.» Depuis lors, les sœurs restent attentives à cette dimension, dans une visée de réconciliation œcuménique, et en demeurant à l’écoute des changements à l’œuvre dans la société.