Une histoire qui a du corps
Quand Dieu prend corps…
C’est l’incontournable de Noël: Dieu, en Jésus son Fils, revêt notre humanité. «La Parole est devenue chair et a campé parmi nous, pleine de grâce et de vérité» (1: 14). Le confesser, c'est être «de Dieu» (1 Jean 4: 1-3). Dans une période aussi trouble que la nôtre sur les voies d’accès à Dieu, le rappel est fondamental. Dans les siècles qui suivent, le Symbole des Apôtres que nous récitons aujourd’hui encore place en son centre le Christ, vrai homme et vrai Dieu: «Il a été conçu du Saint-Esprit et il est né de la Vierge Marie». Sur une carte de Noël avec un homme pointant le doigt vers le ciel, Barrigue avait osé: «Descends, si tu es un homme!»
Et qu’il nous fait corps…
L’affaire démarre à la Pentecôte avec le don du Saint-Esprit, les croyants deviennent membres du corps du Christ dont il est la tête (Ephésiens 1: 20-22, Colossiens 1: 15- 20). Après des siècles de divisions souvent belliqueuses et méprisantes, le XXe siècle a vu naître le mouvement oecuménique qui a rapidement proposé aux Eglises de faire corps dans le cadre d’une «Semaine de prière pour l’unité des chrétiens». Cette année, le livret préparé par une équipe oecuménique a pour thème: «Apprenez à faire le bien, recherchez la justice». Et simplement lors de chacun de nos cultes, nous sommes corps du Christ rassemblé en un lieu. Le réformateur suisse Zwingli estimait qu’à la cène, ce ne sont pas les éléments matériels qui sont transsubstantiés en Corps du Christ, mais les croyants qui la célèbrent. Je ne vis plus une cène sans y penser.
Alors l’espérance prend corps
Sur ces bases, le temps de l’Avent nous permet de cultiver une attente espérante. Par un élan audacieux, nous rappelons l’attente des croyants de l’Ancienne Alliance nourris des promesses messianiques et nous nous projetons dans une attente confiante du Christ qui vient. Les textes proposés à notre méditation nous invitent à une attente active, aux antipodes de toute forme d’attentisme ou de recroquevillement: «L’Esprit et l’épouse disent: viens!» (Apocalypse 22: 17). Cela nous permet, quelles que soient les circonstances de «ne pas être sans espérance» (1 Thessaloniciens 4: 13) et, expression hors norme, «d’espérer contre toute espérance» (Romains 4: 18). De nous arrimer, contre vents et marées, à «l’espérance comme à une ancre» (Hébreux 6: 19).
Un triple défi
Cette esquisse de théologie biblique, avec références pour alimenter notre méditation, nous lance un triple défi.
Le défi de l’incarnation d’abord, du message d’amour du Christ. Qu’il prenne corps en nous sous une multiplicité de formes et envers une multiplicité de personnes dans une multiplicité de situations.
Le défi du lien de l’amour entre nous, ensuite. Cet amour dont nous sommes invités à «nous revêtir par-dessus tout» (Colossiens 3: 14). Pour pouvoir, quoi que l’on pense de différent, «marcher d’un même pas» (Philippiens 3: 16). Cet amour qui me fait trop facilement défaut tant il est prégnant de radicalité évangélique. À vivre dans nos communautés, entre nos communautés et dans le grand théâtre du monde que Dieu a aimé.
Le défi de l’indéfectible espérance enfin, alors que tant nos déficiences et nos manquements que l’absurdité du monde et son cortège de violence nous font désespérer. Mais ce Jésus venu et attendu, lui-même méprisé et abandonné, mais vainqueur du mal et de la mort, vient habiter nos coeurs. Nous nous accrochons à l’ancre de l’espérance.