Faut-il demander pardon à la nature?

Faut-il demander pardon à la nature? / ©iStock/Boonyachoat
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Faut-il demander pardon à la nature?
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Faut-il demander pardon à la nature?

Rétablissement
Réparation, équilibre à retrouver, culpabilité et rédemption, notre rapport à la nature nous interroge. Réflexions avec le théologien Otto Schäfer.

La nature est une notion abstraite: «C’est une particularité occidentale de définir la nature comme domaine indépendant de la sphère humaine. Conceptuellement, on la met à part, ce qui n’est pas le cas dans d’autres cultures», note Otto Schäfer. Par conséquent, le théologien se dit assez réticent au fait de vouloir demander pardon à une Nature que l’on aurait lésée. Pour lui, les modèles, eux-mêmes complexes, de réparation de crimes historiques (l’apartheid en Afrique du Sud, les massacres de peuples premiers) ne s’appliquent pas à une abstraction. Le théologien note toutefois qu’un rétablissement de relations équilibrées est nécessaire: «Dans le langage biblique, on parle souvent de Shalom. Ce mot signifie la paix, la santé et le bien-être de tout ce qui vit. L’idée de guérison et de relations saines me parle plus que celle d’un pardon à demander à une Nature dont je ne sais pas qui elle est.»

Remettre l’humain à sa place

Selon Otto Schäfer, ce rééquilibrage joue aussi à l’intérieur de la Bible. Les différents textes mettent des accents divergents et complémentaires. Certains affirment un rôle privilégié de l’humain, créé à l’image de Dieu, d’autres soulignent davantage un mystère de la diversité. Tous affirment que l’humain est créature avec d’autres créatures. «Elles aussi ont leur dignité et leur droit à la vie, comme le formulait déjà Karl Barth pour les plantes. Les derniers chapitres du Livre de Job font défiler toutes sortes de créatures étranges, inutiles, voire nuisibles, âne sauvage, autruche, hippopotame et crocodile, etc. L’humain est remis à sa place: il n’y comprend rien, mais n’a pas à juger le Créateur.» Idéalement, la création est comparable à un jeu ou à une danse, comme nous le rappelle un autre texte (Proverbes 8:22-31). 

L’humain n’a pas à juger le Créateur

Espérance d’une création restaurée

«Mais la perspective chrétienne est plus radicale et plus lucide. Nous n’avons pas le pouvoir de dépasser les incertitudes, les erreurs et les conflits, et encore moins celui d’éliminer le mal. Ni Mère Nature ni des techniques innovantes ne rendront le monde parfait.» Et le théologien de citer la lettre aux Romains (8:19-25), où Paul fait allusion à une création qui sera affranchie de la servitude de la corruption et qui attend avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. «C’est dire que nous attendons avec toutes les autres créatures un avenir où nous serons, de manière évidente, fils et filles de Dieu. Ce n’est pas le cas encore. Bien souvent, nous sommes filles et fils de la violence, qu’elle soit technologique, économique ou politique.» Une résurrection en devenir, en quelque sorte, où nous essayons de nous rapprocher de notre rôle de jardiniers du monde. «Dans l’Evangile de Jean, Marie Madeleine ne s’est pas vraiment trompée en prenant le Ressuscité pour le jardinier (20:15). L’image du jardinier nous donne un rôle constructif dans l’amour de Dieu pour toute vie.»

Hommage au végétal

Tout au long de sa carrière, le théologien et biologiste Otto Schäfer s’est intéressé aux questions écologiques et s’est engagé pour la sauvegarde la biodiversité. Dans les années 1990, il rédige une première thèse en écologie végétale. Dans sa récente thèse intitulée «La Grâce du végétal», il s’intéresse aux plantes comme un don sans lequel nous n’existerions pas. Des nourrices à vie qui sont également nos inspiratrices. Elle devrait paraître l’année prochaine aux éditions Labor et Fides.