Le faux Dieu de nos besoins
Limiter Dieu à celui qui répond à nos besoins, c’est le dénaturer. L’Ancien Testament parle d’idole. Or suivre nos idoles, c’est aussi dénaturer notre être profond.
Deutéronome 30, 17 dépeint bien les conséquences de ce détour vers un faux dieu: «Si au contraire ton coeur se détourne, si tu n’écoutes pas et te laisses à t’aplatir devant d’autres dieux et à leur rendre culte…» (Bayard). Si je m’aplatis, je ne suis plus moi-même, je ne suis plus debout, les mains levées vers le ciel comme Jésus le faisait.
Jérémie 2, 5 décrit cette désubstantation de nos personnes qui s’opère dans le détour vers les faux dieux: «Ainsi parle Yhwh: quels torts m’ont trouvé vos pères pour que de moi ils s’éloignent? Et ils s’en sont allés derrière le vide, et ils se sont vidés» (Bayard).
Ce «vide» traduit l’hébreu hével: fumée; vent; vanité, nullité, futilité; caractère éphémère et périssable; évaporation, exhalaison; souffle, haleine, respiration, c’est-à-dire résultat du souffle qui s’évanouit à l’extérieur. Je ne pèse plus grand-chose lorsque je m’adresse à Dieu, je deviens insipide, sans goût.
Le détournement du coeur, habitation du désir, vers les idoles qui font miroiter nos besoins, non seulement vide notre être profond, mais nous blesse (Jérémie 7, 6).
De la même manière que nos besoins de consommation sont créés de tout poil par le marché mondial, les idoles dénoncées dans l’Ancien Testament sont le fait d’artisans habiles.
Cette dévalorisation de l’être par les idoles se fait par mimétisme. Nous devenons semblables à elles. «Elles ont une bouche et ne parlent pas, dans leur bouche pas le moindre souffle… que ceux qui les ont fabriquées deviennent comme elles» (Psaume 135, 16-18).
Ce qui m’a le plus interpellé dans ce mimétisme, c’est parfois mon incapacité de dire une parole qui vient de Dieu lorsque l’occasion se présente, lorsque des personnes m’interpellent sur une question existentielle. Dans ces périodes où je me laisse aller à la superficialité, en manque de connexion avec mon désir intérieur et de communion avec Dieu.
Pour reprendre les paroles de Louis Evely («La Prière d’un homme moderne»): «Prier, ce n’est pas parler à Dieu, c’est écouter Dieu qui te parle. Que font les moines, six heures par jour, dans leurs offices? Ils écoutent la parole de Dieu; ils se la répètent jusqu’à ce qu’elle leur parle, jusqu’à ce qu’ils deviennent capables d’adresser aux hommes une parole remplie de Dieu.» C’est la dimension d’écoute dans la prière, par la méditation de la page biblique, qui me libère de la pesanteur de l’aphone que je suis devenu.
Pour lire les extraits cités
«Le temps du désir», Denis Vasse, Christus no 210, 2006, pp 74ss.
«La Prière d’un homme moderne», Louis Evely, éd. Desclée de Brouwer, Paris, 2002, p. 15.