Se priver c'est s'engager
«Less is more». La devise, si célèbre dans le monde de la mode, s'applique aujourd’hui aussi au militantisme. «Février sans supermarchés», «mois sans sucre» ou «année zéro déchets»: les défis pour réduire sa consommation et se réapproprier son mode de vie se multiplient. L’enjeu est souvent de se couper d’une habitude, d’un réflexe, d’un aliment. Le manque, parce qu’il ouvre un nouvel espace dans nos routines, offre la place pour une autre manière de faire ou de voir.
Parmi ces initiatives le jeûne figure en bonne place. En 2013, on a ainsi vu apparaître le «jeûne pour le climat», repris régulièrement lors des Conférences COP21. Rien de neuf: Gandhi ou l’abbé Pierre ont depuis longtemps détourné cette pratique spirituelle en acte politique. Mais aujourd’hui, il s’est diversifié.
Calories pour les démunis
Certains le pratiquent chez eux, sans communiquer outre mesure. A Montreux, le médecin devenu pasteur, Marc Subilia, a ainsi fondé l’association «Des Calories pour la vie». L’idée est simple: on se prive d’un repas par semaine et on envoie la somme économisée à une organisation reconnue de son choix, qui agit contre la faim dans le monde. L’initiative est née d’un constat médical. «Alors que tant de personnes meurent de faim, mon expérience de médecin m’a permis de constater que l’une des nombreuses causes de nos soucis de santé ici provient d’une alimentation trop riche.» La petite organisation romande se développe rapidement.
Dimension universelle
Se priver de nourriture un soir, c’est possible. Réduire drastiquement son alimentation durant une semaine, c’est une autre affaire. Voilà pourquoi de nombreux groupes de jeûneurs se réunissent pour se soutenir et s’entraider. C’est le cas des jeûnes menés en paroisse par Pain pour le prochain et Action de Carême. «650 personnes en Suisse romande, et plus de 1'400 personnes en Suisse ont suivi cette action l’année passée», assure Michel Maxime Egger, responsable du laboratoire de transition intérieure à Pain pour le prochain.
Pour lui, la démarche «universelle» du jeûne est toujours à la fois spirituelle et politique, les deux sont inséparables. «A travers le jeûne, on change notre relation à la création, qui passe en premier lieu par l’alimentation. Le jeûne implique un travail intérieur, sur nos ressorts psychologiques, spirituels, et sur l’acte de manger: la convoitise, la prédation, l’avidité, qui peuvent l’animer, sont en lien avec la frénésie de consommation qui détruit la planète. Le jeûne conduit à la sobriété.»
Pour avoir un réel impact politique, il conseille cependant trois choses: s’allier des leaders d’opinion, disposer d’un manifeste qui explicite ses intentions. Et utiliser les réseaux sociaux. Gandhi s’appuyait sur les masses, aujourd’hui les hashtags ont pris le relais