Partager plutôt que gaspiller

Partager plutôt que gaspiller / ©Camille Andres
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©Camille Andres

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Reportage
Des dizaines d’associations, parfois méconnues, pratiquent la solidarité alimentaire en Suisse. Tables du Rhône ou les Banquets-Foodsave développent deux modèles de redistribution.

Un cabas débordant à la main, Olga, réfugiée ukrainienne de 38 ans et maman d’une fillette de 6 ans, sort de la distribution alimentaire organisée chaque lundi par les Tables du Rhône à Bex: elle a pu obtenir un paquet de bonbons pour sa fille qui en raffole. Cette distribution hebdomadaire, la seule à laquelle elle se rend, est «essentielle» pour elle, car elle lui permet de compléter ses repas.

Dans la file, on croise aussi Alicia (prénom d’emprunt), réfugiée congolaise auparavant employée dans le marketing, qui commencera bientôt un emploi d’auxiliaire de santé. Ou encore Alexander, 60 ans, qui a fui la situation politique au Venezuela. Pour lui, la nourriture est profondément ancrée dans sa culture: il a choisi sans hésiter les épis de maïs. Car ici, on peut sélectionner ce que l’on veut dans l’offre du moment. Mais pas question de toucher!

L’organisation est bien huilée: les 130 familles qui viennent chaque semaine – munies d’une carte des services sociaux – la connaissent sur le bout des doigts. Ce sont les bénévoles, un groupe de femmes soudées, rodées et à l’écoute des besoins tant que faire se peut, qui distribuent. Aujourd’hui, elles donnent exceptionnellement quelques produits d’hygiène.

Tables du Rhône, association née en 2006, est spécialisée dans l’alimentaire: ses 300 bénévoles ont récolté près de 400 tonnes de nourriture en 2023 auprès de plusieurs grandes enseignes (Migros, Coop, Manor…), mais aussi de producteurs locaux, soit l’équivalent de 15'000 repas destinés aux personnes précarisées. L’essentiel est distribué dans ses neuf antennes locales. L’association a conscience de fournir une aide «structurelle», explique son président, Bernard Premand, ancien président du Grand Conseil valaisan, qui prépare pour 2025 la rénovation d’un hangar de stockage mis à disposition par la Ville de Monthey. Pour lui, l’étatisation de cette aide serait «une erreur». Pour autant, la coordination et les synergies entre associations «doivent encore être développées».

A voir au festival BREF

BREF organise un Banquet-Foodsave gratuit, ouvert à toutes et à tous, le dimanche 3 novembre, à 12h, à Beausobre (Morges). Envie de tester? Plus d’informations sur battement.ch.

Car les associations actives dans le domaine sont nombreuses en Suisse romande. Comme Tables du Rhône, elles ne fournissent souvent que des produits non périmés, donnés par les enseignes de grande distribution, qui, au dire de différents acteurs, «ont sensiblement amélioré la gestion de leurs stocks ces dernières années». D’après l’association foodwaste.ch, qui s’appuie sur les chiffres de 2019, 2,8 millions de tonnes d’aliments sont perdus ou jetés annuellement en Suisse. Le commerce de gros et de détail ne serait responsable que de 10% de ces pertes, contre 28% pour les ménages.

«Plus un aliment est gaspillé tard dans la chaîne alimentaire (par exemple par les ménages, NDLR), plus l’impact environnemental est fort en raison des ressources énergivores utilisées pour le produire, stocker, acheminer et commercialiser», détaille Karim Hächler, responsable de projets à foodwaste.ch, qui prône des manières simples et joyeuses de lutter contre «ce fléau». Au premier rang desquelles l’organisation de Banquets-Foodsave «anti-gaspi» gratuits, composés d’aliments sauvés, préparés par des chefs cuisiniers.