Surendettement: tous concernés
Peut-on parler de hausse du surendettement ?
RÉMY KAMMERMANN C’est impossible à dire en termes de chiffres, car aucune étude n’existe sur le sujet. Par contre, on constate une augmentation du nombre de poursuites, passées de 1,5 million à 1,7 million environ entre 2016 et 2017 au niveau fédéral. Cette hausse s’explique par différents facteurs: augmentation de la population, cas particuliers d’un canton… Mais elle reste tout de même significative. De plus, le crédit à la consommation est entré dans les mœurs helvétiques. Sous ses différentes formes – leasing, prêt, découvert sur compte bancaire (sans compter les cartes de crédit), il représentait fin 2017 plus de 16 milliards de créances à rembourser et près d’un million de contrats.
Comment bascule-t-on de l’endettement au surendettement?
Trois phénomènes sont en jeu: la précarisation croissante des contrats de travail et la hausse de certaines charges fixes, par exemple les primes d’assurance maladie. L’aspect générationnel: conserver deux ou trois salaires d’économies était la norme il y a quelques décennies, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Et la facilité du recours au crédit. Lorsque sur ce terrain se greffe un coup dur (divorce, maladie…), on se retrouve dans l’impossibilité de pouvoir payer ses charges. C’est là que démarre le surendettement.
En quoi l’environnement juridique suisse est-il en cause?
Le système actuel condamne bien des ménages qui disposent de peu voire d’aucun moyen de remboursement à une situation endémique de surendettement. Rien n’empêche une personne d’être saisie à vie en Suisse. L’absence de procédure de désendettement, la non-intégration des impôts courants dans le calcul du minimum vital (part de revenu laissée à la personne saisie), la surveillance très relative du système de crédit au comptant, la possibilité de repousser indéfiniment la prescription d’une dette, entre autres facteurs, contribuent à faire du surendettement, dans certains cas, une sentence à vie. Qui plus est, la loi sur le crédit à la consommation, censée protéger le consommateur, risque de mettre en jeu sa sécurité financière. Elle lui permet d’emprunter jusqu’à la limite de son minimum vital. Le moindre accroc – 200 francs en moins par mois par exemple – rendra le remboursement impossible.
La campagne du CSP
• La campagne de mars du Centre social protestant alerte sur le surendettement des particuliers: lorsqu’une personne ne parvient plus à honorer ses engagements envers ses créanciers et que son budget est déséquilibré, au point de voir des dépenses vitales (santé, alimentation) impactées.
• En mars 2018, un rapport du Conseil fédéral reconnaissait la nécessité de réviser le cadre légal. Il proposait l’annulation des restants de dettes dans certains cas, une pratique courante dans nombre de pays européens.
Informations: https ://csp.ch et pour faire un don csp.ch/don.
En chiffres
• 60% des personnes surendettées sont des hommes.
• 55% ont entre 30 et 49 ans.
• 58% sont allées jusqu’à une formation secondaire.
• 27 % des causes de surendettement sont dues au chômage, 26% à une séparation, 26% à un manque de compétences budgétaires, 24% à une maladie, un accident ou une invalidité, 24% à une situation de salariat précaire.
• 77 % des dettes concernent les impôts, 62 % l’assurance maladie, 48% les crédits à la consommation.
Source : Statistiques 2017 de Dettes Conseils suisse qui regroupe 38 services privés et publics d’aide au désendettement dont les Centres sociaux protestants.