Une lutte inégale
Elle n’est pas facile à joindre, Sœur Nathalie. Cette avocate un peu particulière est souvent sur les routes. Son rôle? Coordinatrice du Centre d’aide juridico-judiciaire (CAJJ) en République démocratique du Congo (RDC). Elle défend les droits des communautés locales de Kolwezi, un important centre minier dans la province du Katanga, au sud-est du pays, qui compte 400’000 habitants. Cette zone est un réservoir mondial de cobalt et de cuivre.
Une dizaine de multinationales, en particulier le groupe suisse de matières premières Glencore, y exploitent des mines à ciel ouvert. Une manne pour tous les ouvriers installés là, qui en tirent leurs revenus. Et une malédiction aussi, pour bon nombre de villages ruraux, à 30 ou 40 kilomètres de la ville principale, touchés par des pollutions minières.
Les femmes en première ligne
Les femmes sont particulièrement impactées par cette activité. «Les femmes sont en charge des ménages. Quand une rivière est polluée, elles sont les plus directement touchées, car elles doivent faire des kilomètres pour s’approvisionner ailleurs. Et lorsque les terres agricoles sont affectées, elles perdent tous leurs moyens de subsistance, ce qui accentue encore leur précarité», détaille Sœur Nathalie. L’avocate se rend sur place, accompagne les villageois et les villageoises dans leurs demandes d’indemnisation et les défend devant les tribunaux.
«C’est un travail titanesque. Car devant les juges, il y a des hordes d’avocats financés par les multinationales qui en ont les moyens. Il faut pouvoir produire des rapports et des expertises.» Une mission assurée par les juristes du CAJJ. Récolter les preuves, rédiger les rapports implique des frais de transport et de communication. Depuis cinq ans, Pain pour le prochain et Action de Carême soutiennent l’organisation dans le payement de ces charges ainsi que des salaires.
Une exploitation irresponsable
Une action d’autant plus nécessaire que la situation se dégrade. Nathalie Kangaji le sait bien, son propre père travaillait dans les mines de cobalt voilà 30 ans. «Il n’y avait qu’une entreprise dans la zone. En 2002, le gouvernement a ouvert l’investissement minier aux étrangers. L’afflux des multinationales a été massif.» Pour Sœur Nathalie, «l’exploitation minière peut avoir des impacts positifs». Mais pas de la façon dont elle est effectuée aujourd’hui. «Ces entreprises ont détruit la dignité humaine, les communautés locales et l’environnement de manière catastrophique.»
Le combat du CAJJ ressemble à celui de David contre Goliath: il est parfois victorieux! En 2016, Glencore a accepté de dépolluer des régions agricoles contaminées par l’une de ses filiales. «Ils ne l’ont fait qu’à moitié, ils se sont contentés de déverser de la terre propre sur de la terre polluée», souligne Chantal Peyer, responsable Entreprises et droits humains pour Pain pour le prochain. Mais ils ont versé des dédommagements. Donc reconnu leurs actes.
50 ans de mobilisation
Depuis l’hiver 1969, Action de Carême, Pain pour le prochain et Être Partenaires plus récemment organisent une campagne œcuménique annuelle autour de la dignité et du respect des droits humains. Les femmes et leur engagement sont au cœur de la campagne de cette année. Sœur Nathalie Kangaji sera présente en Suisse du 19 au 31 mars prochains pour parler de son combat.