La SUISA laisse les familles endeuillées en paix

En cas de cérémonie laïque, la question de savoir si l’utilisation de musique lors d’un service funèbre est une diffusion publique se pose. / ©iStock/Kosamtu
i
En cas de cérémonie laïque, la question de savoir si l’utilisation de musique lors d’un service funèbre est une diffusion publique se pose.
©iStock/Kosamtu

La SUISA laisse les familles endeuillées en paix

funérailles
Une décision de justice opposant la société française de gestion des droits d’auteurs dans le domaine de la musique (SACEM) et une grande entreprise de pompes funèbres a été relayée par de nombreux médias. Et en Suisse, combien ça coûte de diffuser de la musique lors d’un service funèbre? Le point avec Vincent Salvadé, directeur adjoint de la SUISA.

À la suite d’une augmentation de tarif de la SACEM, une entreprise de pompes funèbres française a remis en cause le fait qu’une cérémonie funèbre soit une communication au public. La justice vient de lui donner tort. (Voir encadré). Quelle est la situation en Suisse?   

VINCENT SALVADÉ Les lois qui régissent les droits d’auteurs en Suisse et en France sont relativement similaires. L’esprit qui nous habite à la SUISA (Coopérative des auteurs et éditeurs de musique), c’est plutôt que le service funèbre est organisé par la famille et que l’entreprise de pompes funèbres est un prestataire de service. Et non que les pompes funèbres sont un service commercial qui font un usage de la musique. On entre donc dans l’exception prévue par la loi pour la diffusion de musique dans le cercle familial et les amis.

De toute façon dans la majorité des cas ce que je vous dis là reste très théorique : si la cérémonie est religieuse, elle tombe dans le cadre des activités de l’Église, de la paroisse ou du mouvement religieux concerné. Et la communauté religieuse en question règle déjà des droits sous forme de forfait.

On trouve en effet un document appelé «Tarif commun C» sur votre site web qui répond aux besoins des Églises et autres communautés religieuses.

Le tarif est effectivement le même pour toutes les religions. Plusieurs options sont proposées, et le coût du forfait est tendanciellement plus bas pour chaque membre pour les communautés qui s’organisent en faîtière comme l’Église évangélique réformée de Suisse et la fédération des paroisses catholiques romaines. Cela correspond simplement au fait que cela réduit pour nous la charge administrative par rapport aux communautés où une facturation doit avoir lieu pour chaque communauté locale.

Ce tarif est ponctuellement renégocié entre SUISA  et les communautés religieuses et approuvé par une commission arbitrale fédérale. Le tarif commun C a rapporté 581 000 fr. en 2022.

Taxées sous forme de forfait, les paroisses doivent tout de même déclarer les œuvres qu’elles diffusent ou interprètent.  

Ces données servent à la répartition des fonds entre les artistes.

La question du paiement des droits d’auteurs ne se pose pas seulement lorsqu’un service funèbre a lieu dans le cadre d’une paroisse, mais aussi pour les cérémonies laïques. Un service funèbre peut parfois réunir plusieurs centaines de personnes.

Il relève de la responsabilité de l’organisateur de s’acquitter des droits. Si une cérémonie importante devait avoir lieu, les droits d’auteurs seraient effectivement un élément qu’il faudrait prendre en compte dans l’organisation. Mais dans la plupart des cas, SUISA considère que cela tombe dans le cadre d’une diffusion familiale ou entre amis. Il s’agit là d’une conception extrêmement large, mais il faut comprendre aussi que c’est une question de choix des priorités. À l’heure d’internet, la SUISA a d’autres choses à faire pour défendre les droits des artistes que de pister les familles endeuillées.

Y a-t-il encore beaucoup d’infraction au droit d’auteur sur internet? Les mesures techniques mises en place par les plateformes n’ont-elles pas entravé le piratage musical?  

 Je ne pensais pas forcément à la lutte contre les utilisations irrégulières. Mais rien que les renégociations régulières des accords avec les différentes plateformes (YouTube, Spotify, Apple, etc.) nous occupent de manière assez conséquente.

Justement, on lit çà et là que ces plateformes ne rémunèrent plus assez les auteurs. Ces négociations sont-elles ardues?

Il faut vraiment voir cela comme le passage dans un nouveau modèle économique. Les droits globaux payés par ces plateformes représentent entre 14 et 15% de leur chiffre d’affaires alors qu’ils ne représentaient que 9 à 10% du chiffre d’affaires des maisons de disque à l’époque des supports physiques. Donc paradoxalement les nouveaux acteurs paient davantage. Le problème c’est la dilution. Avant quand vous achetiez un disque vous aviez entre 15 et 20 titres, là où un abonnement Spotify vous donne accès à plusieurs millions de titres. 

En France, la musique coûte 3€33 par service funèbre

Le 31 janvier, le tribunal judiciaire de Paris a donné raison à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) dans un conflit l’opposant à l’entreprise OGF, plus connue sous le nom commercial de Pompes funèbres générales, un géant du secteur dans l’Hexagone (20 % du marché français selon France inter en 2018).

En 2019, la SACEM a augmenté ses tarifs. Alors qu’à la suite d’un accord datant de 2006, les entreprises de pompes funèbres payaient un forfait de 1€93 HT par cérémonie, la note est passée à 3€33 (environ 3fr15), relate RTL. Opposé à ce changement tarifaire, OGF a dénoncé le contrat et attaqué la SACEM en justice remettant en cause le fait que la musique jouée lors d’un service funèbre constitue une «communication publique». C’est sur ce point qu’OGF vient d’être désavoué par la justice.