Quand des laïcs créent leur couvent

Entre les conférences, les rencontres entre communautés de toute l’Europe permettent un échange d’idées particulièrement riche. / © Mike Bischoff
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Entre les conférences, les rencontres entre communautés de toute l’Europe permettent un échange d’idées particulièrement riche.
© Mike Bischoff

Quand des laïcs créent leur couvent

Europe
Les communautés monastiques chrétiennes laïques – hors de toute institution ecclésiale – se multiplient en Suisse et en Europe. Depuis trois ans, elles se réunissent à Vaumarcus (NE). Reportage.

Sur une table ronde s’étalent un bâton de pèlerin, une louche pour réaliser des crêpes-parties, ou encore une croix en bois: autant de symboles choisis par les participants aux «New Monastic Roundtables», rendez-vous organisé à Vaumarcus (NE) en cette belle fin d’été, pour représenter le vécu de leur communauté. Car toutes et tous, Belges, Français, Hollandais, Suisses romands et alémaniques ou Britanniques vivent dans une forme de «nouveau monachisme». C’est-à-dire une communauté de foi chrétienne qui se trouve non au sein d’une institution dédiée, mais intégrée au quotidien, dans le voisinage. Le concept, qui connaît aujourd’hui un nouvel essor, a été initialement formulé par le pasteur luthérien Dietrich Bonhoeffer (1906-1945): «la restauration de l’Eglise ne viendra sûrement que d’un nouveau type de monachisme qui n’a rien à voir avec l’ancien». 

En essor ou en errance

Avec la pandémie, le thème de la rencontre a été tout trouvé «la résilience». Toutes les histoires ne sont pas roses: Stefanie partage aussi l’histoire de sa petite communauté «Stadtkloster Thun» en déshérence profonde après avoir perdu son lieu d’ancrage, à Thoune (BE), et en recherche d’un nouveau lieu et d’un nouveau souffle. D’autres se questionnent. On croise ainsi un couple alémanique ayant vécu durant huit ans dans une communauté avec un autre couple, mais souhaitant désormais autre chose. «Nous avons déménagé et acheté une nouvelle maison où se trouve un espace pour une vie communautaire, mais nous nous laissons l’automne pour savoir exactement ce que nous souhaitons. Ce qui nous plaît dans la vie communautaire, c’est de mettre les gens en lien, et finalement cela peut se vivre de mille manières», témoigne le mari. D’autres veulent initier de nouveaux lieux comme l’initiateur de ces journées, Marius Frey.

Certains, enfin, sont portés par l’élan des débuts, comme Clément Vuillemier, qui vient de lancer «La grande tablée» sur les hauteurs de Vevey, ou Alain Monnard, pasteur de Crêt-Bérard qui, il y a deux ans, a créé «La Maisonnée», dans les locaux de la Maison d’Eglise et le Centre de séminaires vaudois de Crêt-Bérard. Pour définir sa communauté, il parle de «plasticité». «On a un bébé, deux ados, deux divorcés, deux couples, une retraitée. Des membres réformés, évangéliques et catholiques. Des chrétiens traditionnels et des nouveaux convertis. Des passionnés de liturgie et de silence, et d’autres, sensibles à la prière libre et à la louange.»

Ce retour au local se vit aussi sur le plan spirituel

Une foi vécue au niveau local

Une diversité qui n’est ici pas vécue comme un défi – ce qui est le cas dans la plupart des institutions ecclésiales – mais au contraire célébrée comme une force. De fait, le nouveau monachisme questionne radicalement les Eglises… Dont il émane et dont il se nourrit, comme rappelle l’un des intervenants du jour, le Londonien Ian Mobsby, fondateur d’une communauté au plein cœur de la ville britannique. En attendant, faire partie d’une communauté de «nouveau monachisme» n’est a priori pas incompatible avec le fait d’appartenir à une Eglise ou à une paroisse. «L’époque est au local, dans l’approvisionnement alimentaire. Ce retour au local se vit aussi sur le plan spirituel!», résume ainsi Alain Monnard. Et si la proximité était le nouveau Graal?