Comment les monastères vivent la vieillesse
Depuis 2014, Annick Anchisi, sociologue de la vieillesse, et Laurent Amiotte-Suchet, sociologue des religions, étudient le vieillissement des religieux et des religieuses âgé·e·s. Après une première étude concernant les religieuses apostoliques, leur recherche ethnologique actuelle les conduit dans différents ordres contemplatifs catholiques, féminins et masculins, en Suisse romande et en Bourgogne–Franche-Comté. Comment ces espaces séculaires, dédiés avant tout à une vie religieuse, s’adaptent-ils aujourd’hui aux impératifs sanitaires? Comment la tradition se renégocie-t-elle face aux besoins de personnes âgées?
Dans les communautés monastiques, les membres prononcent le vœu de stabilité, s’engageant donc à vivre, vieillir, mourir et être enterrés au monastère. L’attachement à la communauté et au lieu de vie est fort. «Certaines personnes vivent au monastère des décennies durant! En donnant leur vie et le fruit de leur travail à la communauté, les moines et les moniales attendent en retour d’être pris en charge par elle jusqu’au bout», explique Laurent Amiotte-Suchet. Les premières observations des chercheurs montrent que, même en situation de dépendance liée au grand âge, le contrat est respecté: le placement en maison de retraite est rarissime. Les adaptations pourtant sont nombreuses: «On équipe les infirmeries, les chambres, les salles de bains… On prévoit des systèmes d’alarme. Les frères ou les sœurs infirmier·e·s sont sensibilisé·e·s par des formations aux situations gérontologiques.»
L’entrée de personnel laïque spécialisé dans le monastère pour des soins «reste toujours envisageable de manière ponctuelle, jamais systématique», observe le chercheur. Ce qui n’empêche pas de déléguer un certain nombre de tâches domestiques quand la communauté ne peut plus les assumer (cuisine, ménage, entretien des bâtiments…). «Certain·e·s viennent faire la lecture aux frères ou aux sœurs plus âgé·e·s, on les aide à se déplacer pour les offices, on valorise leur rôle de témoin auprès des novices… Cela resserre les liens communautaires.»
Si ces collectivités semblent capables d’aller assez loin dans les efforts à consentir pour prendre soin des leurs, les chercheurs relèvent aussi que ce fait est associé à une très grande autodiscipline des moines et des moniales âgé·e·s, qui ont ce souci permanent de l’effort, jusqu’au dernier souffle.
La thèse en bref
Intitulé: «Vivre et vieillir séparé du monde, Stratégies de préservation des ordres monastiques»
Equipe de recherche: Annick Anchisi, requérante principale, Laurent Amiotte-Suchet, collaborateur scientifique (HESAV – HES-SO).
Durée: 48 mois (2018–2022).