Vous avez dit vacances ou bien vacance?
Qu’elles soient d’été, d’automne, d’hiver, qu’il s’agisse des relâches, à aucun moment, les vacances ne nous laissent tranquilles. Outre le fait qu’elles rythment notre calendrier, elles occupent notre esprit, voire elles nous préoccupent: où irais-je lors des prochaines vacances? Perçu comme un espace de liberté, ce temps de désœuvrements est une place forte gardée jalousement. Et les esprits s’échauffent vite à l’idée que les vacances pourraient être bridées. Ainsi, lorsque le conseil fédéral invite avec insistance les Suisses à passer leurs vacances au bercail, même loin de l’Espagne, la bronca n’est pas loin de se faire entendre dans l’arène sociale.
Car les vacances, c’est sacré, et les Suisses ne s’en laissent pas conter, ils feront comme bon leur semble: selon la «Tribune» de Genève du 18 mai 2020, seuls 19% d’entre eux suivront le conseil de Berne et passeront des vacances au pays.
Pourtant d’Adam jusqu’à Expo64, de vacances il n’était point question au pays de Guillaume Tell. Si, dès 1947, le canton de Genève a accordé deux semaines de vacances payées aux salariés du canton, ce n’est qu’en 1964 que ce droit aux congés payés fut octroyé à l’ensemble des cantons suisses. Le glissement d’une société agraire vers une société industrielle a mis en évidence le besoin d’un repos programmé face à une nouvelle forme d’asservissement. Je ne reviens pas sur cet acquis social (qui, au passage, n’est pas acquis dans le monde agricole); je fais le constat que, de manière insidieuse, les valeurs du monde colorent l’Église.
Désormais, le calendrier liturgique est influencé par le calendrier d’une société du temps libre. Pendant les vacances, la plupart des activités de paroisse sont en état d’hibernation. En quelque sorte, pendant les vacances, l’Église est en état de vacance. En effet, pour la plupart d’entre nous (dont je suis), les vacances sont un temps pour soi où l’autre – voire le Tout-Autre – n’a pas de place. Je rejoins André Gide quand il fait ce constat alarmant que «l’être pensant qui n’a que soi pour but souffre d’une vacance abominable».
La vacance dont il est question n’est rien d’autre que le vide affectif, moral et intellectuel qui nous atteint lorsque nous devenons le centre de notre attention. Jésus donne ce conseil: «Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu» (Matthieu 6. 33). Le temps des vacances ne devrait pas être une occasion pour inverser la préséance. Le Royaume et la justice de Dieu sont à chercher d’abord en tout temps. Loin de moi la pensée de bannir les vacances. Comme l’a écrit l’apôtre Paul, «Tout m’est permis» (1 Corinthiens 6, 12), les vacances aussi donc. Mais, je choisis de suivre le modèle qu’est Paul et je ne me laisserai asservir par rien, y compris le diktat des vacances. Ayant en mémoire que Jésus a promis que, quand nous cherchons premièrement le royaume et la justice de Dieu, toutes ces choses nous seront données par-dessus, il ne manquera pas de nous donner le repos. Bonnes vacances sans vacance!