Désobéir pour le climat?
Petite précision, mais elle est essentielle: la désobéissance civile est une action non violente, fondée sur des motifs de conscience, destinée à modifier l’ordre juridique et politique. Sans la garantie que son action sera pacifique, la désobéissance civile pourrait se définir comme une tentative d’insurrection… C’est d’ailleurs ce qui a été reproché au mouvement hexagonal des gilets jaunes.
Un grand nombre de penseurs ont réfléchi au cadre de La désobéissance civile. Le philosophe américain Henry David Thoreau (1817-1862) reste une référence. Dans La désobéissance civile, il explique comment ne pas soutenir un État qui est par ailleurs esclavagiste. Ses écrits ont inspiré des leaders devenus des icônes mondiales (Gandhi, Nelson Mandela), et des mouvements sociaux progressistes en faveur des droits humains. La culture protestante n’est pas en reste et possède des figures mythiques en la matière, de Martin Luther King à Dietrich Bonhoeffer.
Alors l’urgence climatique, qui impacte clairement des droits humains impose-telle aujourd’hui de passer à un geste aussi radical que la désobéissance civile? Oui, pour Michel Maxime Egger, écothéologien, responsable du Laboratoire de transition intérieure à Pain pour le prochain.
Loi injustes
«Je pense qu’il y a un moment où désobéir est une façon d’affirmer un sens de son humanité, ses valeurs. Il y a des situations où les politiques et les lois sont injustes, destructrices pour la terre, la dignité humaine, les animaux. Et compte tenu de ce que l’on sait, l’inertie politique est inacceptable. Il y a donc un devoir de dire non au nom de l’intérêt collectif, du bien commun, et de la responsabilité individuelle. Il faut prendre conscience de ce que le philosophe Frédéric Gros appelle ‹l’indélégable›. Même si je vote, j’ai une responsabilité comme terrien, humain, citoyen, que je ne peux déléguer à d’autres. (…) La résistance éthique est saine pour la démocratie. Le procès de Nuremberg est le premier où l’on a condamné des humains pour avoir obéi… Et l’urgence écologique dépasse aujourd’hui le simple plan politique, c’est un enjeu de vie et de mort. »
Peu représentatif
Mais comment s’assurer que les principes au nom desquels agissent les désobéissants (urgence, l’injustice, le bien commun) sont dans l’intérêt de tous? Autrement dit, ces militants sont-ils légitimes pour représenter le bien commun? Comme le fait remarquer Ellen Hertz, professeure d’ethnologie à l’Université de Neuchâtel, la limite de la désobéissance civile reste son manque de représentativité. «Paradoxe ou signe d’un malaise, c’est souvent la démocratie représentative qui est accusée de ne pas l’être suffisamment, alors que l’expression démocratique qui a lieu en dehors des canaux institutionnels, aussi nécessaire et enrichissante qu’elle soit, n’est pas plus ‹représentative› et ne comporte même aucun mécanisme pour viser l’universalité dans l’accès à ses lieux d’expression.» Pour autant, selon l’enseignante, la désobéissance civile reste un outil indispensable au fonctionnement de notre démocratie. «Elle est une manière de faire ressortir des failles et des biais dans le fonctionnement des États, et une tentative de faire entendre des voix qui ne se font pas entendre par les canaux de la politique institutionnelle. Elle permet à celles et ceux qui le souhaitent de s’engager, de manière ponctuelle, mais souvent intense, dans le débat public et de tenter d’influencer les choix et les priorités de leurs élus.»
Parlons-en !
Désobéissance, résistance, action locale… comment agir pour le climat? Réformés organise son premier débat. Venez nous rejoindre le jeudi 21 novembre à Bienne pour une soirée d’échanges. reformes.ch/debats