L'Égalité plus que des chiffres
«C’est quasiment fait», rétorquent au contraire ceux pour qui la loi sur l’égalité est suffisante. Ils arguent que les écarts entre hommes et femmes existent toujours, mais se réduisent petit à petit comme le montrent certains chiffres. Les inégalités se régleraient ainsi d’elles-mêmes, avec le temps. Celles qui subsistent seraient une sorte de ‹résidu incompressible›, quasi naturel, comparable à la part structurelle du taux de chômage. Mais l’égalité n’est pas qu’une affaire de chiffres. Bien sûr, supprimer les écarts de salaire et de représentation des femmes dans les instances de décision est un prérequis indispensable pour y arriver. La discussion collective qui s’est ouverte depuis #MeToo nous conduit cependant à une autre dimension. Nous découvrons peu à peu le monde d’un point de vue féminin. Depuis ce fameux mois d’octobre 2017, j’ai découvert que c’est une femme, Josephine Cochrane, qui a inventé le lave-vaisselle, et une autre, Margaret Hamilton, qui a codé le logiciel permettant d’aller sur la Lune; que des surfaces de bureaux aux ceintures de sécurité, un grand nombre d’objets et de lieux sont d’abord conçus pour les hommes; que la règle selon laquelle ‹le masculin l’emporte sur le féminin› dans la langue française a été codifiée par des hommes, au XVIIe siècle, etc. Autrement dit, l’égalité est aussi et surtout affaire d’histoire, de mythes, d’inconscient, de transmission, d’écoute, de stéréotypes… Des mécanismes que nous décryptons dans ce numéro. Le racisme aux Etats-Unis n’a pas pris fin avec l’abolition de l’esclavage. La loi sur l’égalité n’a pas mis fin au sexisme. Ce qui fait la différence, ce sont nos perceptions, et nos actes. Et la grève du 14 juin prochain, que Réformés soutient, est un acte fort.