Bonhoeffer: la grâce au prix de la vie
Théologien engagé, prédicateur intransigeant, éducateur dans l’âme, homme de prière, prophète d’une Eglise en devenir, résistant, martyr: Dietrich Bonhoeffer fut tout cela à la fois. Victime du régime hitlérien, il est mort à 39 ans, quelques jours avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Chez lui, militance chrétienne, action politique et réflexion théologique sont inextricablement liées.
Dietrich Bonhoeffer est né à Breslau (aujourd’hui Wrocław, en Pologne), dans une famille luthérienne peu pratiquante. Mais, à 17 ans, il se décide pour la théologie. Brillant et précoce, il soutient sa thèse de doctorat à 21 ans. Il y développe ce qui deviendra le thème de sa vie: l’Eglise. Pour lui, «Christ existe parmi nous comme communauté, comme Eglise, dans l’opacité de l’histoire. L’Eglise est le Christ caché parmi nous».
Combat contre Hitler
Trop jeune pour devenir pasteur, Bonhoeffer part aux Etats-Unis. Il y découvre l’œcuménisme et le pacifsme. De retour en Europe, il partage son travail entre le pastorat, l’Université et la cause œcuménique. En 1933, quand Hitler prend le pouvoir, il devient le premier théologien protestant allemand à voir dans la persécution des juifs l’enjeu crucial du combat de la foi contre l’Etat nazi. Il rejoint les rangs de l’Eglise dite «confessante», aux côtés de Karl Barth, et proclame: «Celui-là seul qui crie en faveur des juifs a le droit de chanter du grégorien.»
S’ensuivent deux ans à Londres, comme pasteur de la communauté allemande. Il en revient au printemps 1935 pour diriger un séminaire, où il formera les jeunes pasteurs à l’esprit de résistance: beaucoup d’entre eux seront jetés en prison ou mourront au front. Dans ses cours, Bonhoeffer se bat contre une compréhension paresseuse de la foi. Il ne craint pas les formules-chocs: «La grâce à bon marché, l’ennemi mortel de notre Eglise, c’est la grâce sans la croix. La grâce qui coûte, c’est l’Evangile qu’il faut toujours chercher à nouveau. Elle coûte parce qu’elle est, pour l’homme, au prix de sa vie; elle est grâce parce que, alors seulement, elle fait à l’homme cadeau de la vie.»
Résistance jusqu’à la mort
Sa vie, précisément, s’accélère quand la Gestapo ferme son séminaire. D’abord interdit de séjour à Berlin, puis de prendre la parole publiquement, Bonhoeffer se réfugie à New York. Mais, solidaire de son peuple jusque dans sa faute, il en revient à peine trois semaines plus tard, juste avant que la guerre n’éclate.
Inséré dans des réseaux de résistance clandestins, Bonhoeffer est arrêté en 1943. Les lettres qu’il écrit depuis la prison, souvent griffonnées à la hâte, témoignent de sa force de réflexion et de sa créativité théologique. Ses questions: «Comment le Christ peut-il devenir aussi le Seigneur des non-religieux? Comment parler de Dieu sans religion?» Toutefois, son propos «n’est pas de gagner le monde au Christ, mais de repenser la présence et l’action du Christ dans un monde qui a changé». Transféré de captivité en captivité, il est fnalement enfermé en 1945 dans le camp de Flossenbürg, en Bavière. Là, il est condamné à être pendu aux côtés d’autres conjurés. La veille de son exécution, il laisse un dernier message: «Pour moi, c’est la fin, mais aussi le commencement. Je crois au principe de notre fraternité chrétienne universelle qui est audessus de toutes les haines nationales et que notre victoire est certaine.»
A lire
Les œuvres de Dietrich Bonhoeffer sont publiées en français chez Labor et Fides.
En particulier: